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dans l’hebdo N° 1148 Acheter ce numéro
Une pédagogie de la décroissance
Dans un monde économiciste qui se raccroche avec une vigueur souvent pathétique au vieux dogme de la croissance-qui-guérit-tous-les-maux, la décroissance continue à faire grimper les orthodoxes aux rideaux. Certains, comme à l’UMP, tentent même d’en faire le bouc émissaire du marasme économique actuel, au prix d’un aventureux renversement dialectique. Ce qui prouve, si besoin, la nécessité des réflexions portées par ce courant avant tout contestataire, mais aussi charrieur d’idées neuves. Justement, rien de neuf aujourd’hui dans deux ouvrages récents, mais de la pédagogie, genre qui a pu faire défaut par le passé dans les écrits théoriques de la décroissance. Dans le petit livre Vers une société d’abondance frugale [^2], l’économiste Serge Latouche prend un certain plaisir à sérier les lieux communs et controverses sur la décroissance – « c’est le retour à la bougie », « c’est le retour du chômage », « comment résoudre le problème du Sud », etc. –, pour y répondre de manière systématique plutôt que de s’en agacer, en puisant dans la matière dense de ses écrits.
Avec sa Décroissance, une idée pour demain [^3], Timothée Duverger enrichit le kit des indispensables pour ceux qui veulent dépasser les approximations sur ce mouvement. Doctorant en histoire, il retrace l’origine des idées de la décroissance en deux temps – les années 1970, marquées par le fameux rapport Halte à la croissance ? du Club de Rome, puis les années 2000 et la période contemporaine – et quatre courants : culturaliste, politique, bioéconomique et écologique. Au prix d’un travail minutieux et très documenté, on y trouve dépeintes avec une très grande justesse les étapes récentes de l’essor des idées de la décroissance, les positions de ses acteurs, les dissensions et les controverses qu’ils entretiennent.
Versant travaux pratiques, les connaisseurs ont salué comme il se doit la traduction française [^4] du Transition Handbook de Rob Hopkins, fondateur du Mouvement de transition, qui envisage très concrètement les alternatives à développer pour préparer le monde qui vient : le contenu de la version anglaise était parfois peu adapté à la culture hexagonale. L’idée fondamentale : bâtir aujourd’hui un modèle visant la résilience locale des populations, qui leur permettra d’affronter avec un minimum d’inconvénients la fin du pétrole, le dérèglement climatique, la parcimonie des ressources. L’ouvrage de Rob Hopkins fourmille d’idées, de mesures pratiques et d’exemples d’expériences alternatives.
Des communautés sont déjà passées à l’acte dans le monde, en fondant des écovillages. Rares en France, ils ont plutôt pris leur essor dans le monde anglo-saxon. On doit à un éditeur très attentif aux ferments de changement de la société d’avoir traduit, avec Écovillages, laboratoire de modes de vie éco-responsables [^5], l’un des principaux ouvrages sur ce mouvement, Ecovillages , New Frontiers for Sustainability , du spécialiste Jonathan Dawson, qui fut président du Réseau mondial des écovillages. Un petit chapitre est consacré à celui d’Éourres, dans les Hautes-Alpes.
[^2]: Mille et Une Nuits, 2011, 208 p., 4,50 euros.
[^3]: Sang de la Terre, 2011, 239 p., 18 euros.
[^4]: Écosociété et Silence, trad. Michel Durand, 2010, 216 p., 20 euros.
[^5]: Yves Michel, trad. Emmanuelle Burr et Marie-Cécile Baland, 2010, 166 p., 11 euros.