Raisonner au plus près des insurgés
dans l’hebdo N° 1147 Acheter ce numéro
Où en est-on en Libye ? On n’ignore rien du rapport de force militaire : d’un côté, le nombre, mais sous-armé et désorganisé ; de l’autre, des armements lourds, mais affaiblis par les frappes de l’Otan. Ce qui conduisait ces derniers jours à une situation mouvante autour d’un axe situé près de Brega, à 190 km à l’ouest de Benghazi. Mais ce qu’on ignore, en revanche, c’est le volet politique. Ce qui se joue à Londres avec un émissaire de Kadhafi, et à Tripoli dans l’entourage du « Guide », où les défections se multiplient, sans que l’on mesure leur impact véritable. Dans ce contexte, que faut-il penser de l’intervention de la coalition ? Nous nous sommes prononcés, pour notre part, en faveur de cette « guerre du moindre mal » (Politis n° 1145).
Nous l’avons fait au moment où les six cent mille habitants de Benghazi allaient devoir subir le pilonnage des chars et des avions de Kadhafi. Nous assumons totalement cette position. Ce sont d’ailleurs les insurgés de Benghazi qui ont appelé à l’aide. Et tous les arguments du monde ne pouvaient justifier qu’on reste sourds à leur appel. Quoi qu’il arrive maintenant, sauf si la coalition en venait à commettre des massacres de cette envergure – ce qui ne semble pas dans ses intentions –, l’écrasement de Benghazi a été évité. Le reste est un débat impossible entre une hypothèse qui, fort heureusement, n’a pas eu lieu, et une réalité qui se poursuit avec son lot d’incertitudes. Rony Brauman, à qui nous donnons la parole ici, a raison : dès lors que l’on prétend vouloir importer la démocratie par les bombes, ou imposer un changement de régime, le risque d’enlisement est proche, avec ses retournements d’opinion et son lot de bavures. Mais le choix, faut-il le rappeler, n’a jamais été entre « sauver » ou « abandonner » Benghazi, mais sauver Benghazi « avec » la coalition internationale ou l’abandonner. Nous avons choisi, pour notre part, de raisonner au plus près des insurgés, et de mettre au second plan toute spéculation sur l’avenir.