Sur la plage abandonnés…

Du 24 au 27 mars, dans trente-cinq pays, des milliers de volontaires ont participé à une campagne de nettoyage des plages. Des tonnes de déchets, banals ou insolites, ont été ramassées. Reportage à Marseille.

Céline Trégon  • 7 avril 2011 abonné·es
Sur la plage abandonnés…
© Photo : Céline Trégon

« Il n’y a pas de petites pollutions. » C’est dans cet esprit que l’association Surfrider Foundation Europe entend mobiliser contre un des désastres écologiques les plus sournois : la pollution par les déchets. Du 24 au 27 mars, cette association de défense et de gestion durable de l’océan et du littoral a organisé la 16e édition des Initiatives océanes : quelque 40 000 personnes, à travers 35 pays, ont participé à la campagne de nettoyage des plages, des lacs et des rivières. Armés de gants et de sacs en amidon de maïs recyclables, les nettoyeurs volontaires ont arpenté les plages et les digues à la recherche du moindre déchet : bouteilles et sachets en plastique, mégots, bouchons rouillés, seringues…

« Nos mers et nos océans deviennent des poubelles. Or, tout ce que nous jetons sur la terre ou dans la mer contamine les chaînes alimentaires et finit par se retrouver dans nos assiettes. C’est l’effet boomerang » , lance Alexia Rabemananjara, coanimatrice d’Euro­circle, ONG européenne qui promeut l’émergence d’une citoyenneté interculturelle et participe au nettoyage de la plage de l’escale Borely à Marseille.

Une équipe de plongeurs, chargée de récupérer les déchets sous-marins, remonte à la surface avec une nacelle bien remplie. Tous les participants affluent pour voir ce que cache la robe de l’océan : des barres de fer, des pneus, un tambour de machine à laver, un pare-chocs de voiture et une myriade de bouteilles en plastique. « Et encore, une grande quantité de déchets ne peuvent pas être sortis de l’eau, qu’il s’agisse d’objets trop lourds ou de plastiques noyés dans les algues , constate Olivier Bianchimani, membre de l’association de plongée Septentrion Environnement. Le Rhône emporte les déchets, il contribue à leur entassement à Marseille, et le mistral fait s’envoler chaque produit abandonné, qui termine sa course dans la mer. » Les sacs remplis sont ensuite déposés le long de la plage, et des camions bennes viennent les récupérer.

L’opération Initiatives océanes est doublée d’une campagne de sensibilisation. Cette année : « Le sac plastique n’est pas automatique. » Le sticker, sur lequel on voit une tortue s’apprêtant à en avaler un, sera diffusé sur les vitrines des commerces. « Comme les thons rouges, elles confondent les sacs avec les méduses, les absorbent et finissent par mourir de faim ou étouffées. La prolifération des méduses est une des conséquences majeures de ce problème. L’écosystème s’en trouve modifié » , souligne Nathalie Van Den Broeck, docteur en océanographie et responsable Méditerranée de Surfrider. Outre la pollution chimique par les encres et les phtalates que contiennent les déchets plastiques, il faut également considérer les conséquences du déplacement des déchets par les courants. « Un sac jeté à Lyon se retrouve à Marseille et transporte avec lui des espèces invasives que l’on ne trouve pas en Méditerranée » , note-t-elle.

Il y a dix ans à peine, l’association trouvait des lave-linge, des cabines téléphoniques, des Caddies sous l’eau. Les gros objets ont progressivement laissé la place à des déchets fractionnés, de plus en plus petits, qui se mélangent facilement à la laisse de mer, telles ces « larmes de sirènes », billes de plastique que l’on décèle en quantité croissante dans le sable. « Les agences régionales de santé ne contrôlent que les plages dites surveillées, et seulement en été. Pour notre part, nous essayons de contrôler toutes les plages, pendant toute l’année, à pied, en plongée et en apnée, pour évaluer la qualité de l’eau comme la présence de déchets aquatiques » , explique Benjamin Van Hoorebeke, chargé de mission et d’éducation à Surfrider.

Dans sa lutte contre les déchets polluants, l’association cible en priorité les consommateurs, principaux producteurs de ces déchets. Il faudrait donc d’abord réduire ceux-ci à la source. « Nous devons consommer intelligemment : éviter les produits suremballés et privilégier les matières alternatives à base d’amidon de maïs , propose Nathalie Van Den Broeck. Nous pouvons aussi donner une seconde vie à un plastique en le réutilisant comme sac-poubelle. »

Mais la bataille ne s’achève pas là. Surfrider agit aussi au niveau politique. Bien que le parcours d’un déchet soit difficile à tracer, le principe du pollueur-payeur a tendance à s’appliquer de plus en plus. « La loi du 5 août 2008 sur la responsabilité environnementale fait passer les sanctions pour les entreprises polluantes de quelques milliers à quelques millions d’euros. La dissuasion est notre arme face aux industriels » , souligne Antidia Citores, juriste et coordinatrice des actions de lobbying de Surfrider. L’association s’enorgueillit d’une victoire récente de ses actions de plaidoyer : depuis la loi Grenelle 2, les déchets sont reconnus comme source potentielle de pollution.

Écologie
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