Un bouclier chasse l’autre
La suppression du bouclier fiscal est compensée par un allégement avantageux de l’impôt sur la fortune.
dans l’hebdo N° 1149 Acheter ce numéro
Le bouclier fiscal s’en va, mais le symbole reste… C’est la leçon que l’on peut tirer de la nouvelle réforme de la fiscalité du patrimoine présentée par Nicolas Sarkozy le 12 avril. Car les mesures préservent un autre symbole de la Sarkozie. En l’état, l’aménagement du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sera très favorable aux contribuables les plus riches. Ainsi, l’héritière du groupe L’Oréal, Liliane Bettencourt, à qui le fisc a restitué 30 millions d’euros en 2008 au titre du bouclier fiscal, n’aura pas trop de soucis à se faire. Elle pourra espérer un allégement record de son ISF en 2012, si l’on en croit les simulations réalisées à partir des données communiquées par le gouvernement.
Comment celui-ci a-t-il procédé ? Dans un premier temps, la réforme modifie le seuil d’entrée dans l’ISF : il passe de 790 000 à 1,3 million d’euros de patrimoine, exonérant ainsi 300 000 contribuables. Dans un deuxième temps, la progressivité de cet impôt en cinq tranches disparaît au bénéfice des grandes fortunes. Il n’existera plus désormais que deux tranches : 0,25 % pour les patrimoines de 1,3 à 3 millions d’euros et 0,55 % pour les fortunes au-delà de 3 millions d’euros. Voilà un bouclier qui ne dit pas son nom…
Exemple : selon le Snui-SUD Trésor, principal syndicat des impôts, un contribuable disposant d’un patrimoine net imposable à l’ISF de 100 millions d’euros paie aujourd’hui 1,72 million d’euros d’ISF. Demain, il ne paiera plus que 492 500 euros. Dans le cas d’un patrimoine net imposable à l’ISF de 500 millions d’euros, l’heureux contribuable doit payer 8,9 millions. Demain, il n’en paiera plus que 2,49 millions. Gain : 6,4 millions ! Au total, 1,7 milliard d’allégements sont programmés, si rien ne change dans la réforme, le gouvernement espérant l’appliquer « dès 2011 pour les assujettis à la première tranche d’ISF », a déclaré François Baroin, ministre du Budget.
Il s’agit donc d’aller vite : le projet de réforme devrait être présenté en Conseil des ministres le 11 mai, sans doute pour que l’on ne se pose pas trop de questions sur le tour de passe-passe électoraliste. Selon Baroin, la suppression du bouclier fiscal permettrait de récupérer 800 millions d’euros dans les caisses de l’État, mais le nouvel ISF ne rapporterait plus que 2,3 milliards d’euros au lieu de 4 milliards aujourd’hui… Pour compenser ce cadeau fiscal, de nouvelles impositions toucheront, entre autres, les exilés fiscaux et les non-résidents, les bénéficiaires de gros héritages, etc. Sans qu’on en sache plus. Certes, le bouclier fiscal de l’été 2007 est mort. Mais les gros patrimoines seront encore les mieux lotis, même en période d’austérité.