À contre-courant / Non au « paquet gouvernance » !
dans l’hebdo N° 1151 Acheter ce numéro
La commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen a adopté le 19 avril « le Paquet gouvernance », formé de six directives dont l’objectif est de durcir le Pacte de stabilité. S’il était adopté en l’état au mois de juin en première lecture au Parlement, après un trilogue avec le Conseil et la Commission européenne, ce paquet concrétiserait, dans le cadre du « Semestre européen » qui encadre désormais l’élaboration annuelle des lois de finances des pays membres de l’Union, le pacte de compétitivité que le couple Merkel-Sarkozy entend imposer à l’Europe entière.
Le paquet précise tout d’abord le contenu du volet « préventif » du pacte en indiquant le rythme de réduction des déficits publics que chaque État membre devra respecter. Ce rythme est de 0,5 point de PIB par an jusqu’à ce que la borne des 3 % de déficits publics, en pourcentage du PIB, soit atteinte. Pour la France, dont le déficit avoisine 130 à 140 milliards d’euros, cela signifie un « effort de rigueur » de 10 milliards par an pendant huit ans.
Le paquet définit ensuite le volet « correctif » du pacte, dictant le rythme de la réduction de l’endettement d’un pays. Chaque État membre devra réduire de 5 % l’écart entre l’endettement observé et l’endettement correspondant aux 60 % du PIB autorisés par le traité de Lisbonne. Pour la France, dont l’endettement observé est de près de 1 600 milliards d’euros, cela représente un effort de « rigueur » supplémentaire (à ajouter aux 10 milliards par an précédents) de l’ordre de 17 milliards par an pendant vingt ans (!) pour revenir à un endettement de 1 200 milliards, correspondant aux 60 % du traité.
Au total, c’est un « effort » de 27 milliards par an qu’il faudrait consentir en France au cours de la prochaine législature si l’on respectait à la lettre ces directives. Pire, les pays qui n’atteindraient pas les objectifs fixés sous la surveillance de la Commission dans le cadre des programmes nationaux de réforme se verraient infliger des amendes comprises entre 0,2 et 0,5 % de leur PIB, sauf si le Conseil s’y opposait à la majorité qualifiée des États membres de l’Eurogroupe. Autant dire que la sanction deviendrait quasiment automatique, tant une telle majorité est impossible à obtenir sans le consentement de l’Allemagne.
La nouvelle gouvernance économique de l’Europe ne coordonne aucunement les politiques économiques selon les fluctuations conjoncturelles et les déséquilibres propres à chaque État membre. Elle refuse d’exclure l’investissement public du calcul des déficits. Elle applique aveuglément une surveillance dogmatique des politiques budgétaires en imposant la « consolidation budgétaire » en toutes circonstances comme l’alpha et l’oméga de la bonne conduite économique d’un État. Elle donne l’impression de reposer sur des considérations théoriques bien établies. Il n’en est rien. Les députés qui ont amendé ces directives en ignorent souvent le contenu, voire même l’existence. La direction générale des Affaires économiques de la Commission et le secrétariat de la Commission (qui a pris la main sur ce dossier) n’y font aucunement référence. Le plus inquiétant est que leurs technocrates admettent en aparté avancer au « doigt mouillé ».
Leur raisonnement est fait sans « bouclage macroéconomique », c’est-à-dire sans tenir compte de l’impact récessif qu’auront inévitablement vingt-sept plans de rigueur appliqués en même temps sur l’activité économique, sur le chômage et par conséquent sur les recettes fiscales. Loin d’atteindre leurs cibles, ces politiques casseront la reprise et entretiendront les déficits, attisant par là même la spéculation des marchés sur les dettes souveraines. Cyniques à défaut d’être rationnels, ces marchés savent désormais que les « mécanismes de solidarité » permanents, récemment autorisés par la révision du traité pour venir au secours de certains États menaçant la stabilité de la zone euro, leur permettront d’éviter les défauts de paiement des États. Ils pourront donc continuer à exiger des « primes de risques » élevées sur les emprunts de certains États, et imposer des plans d’austérité tant que prévaudra l’idée qu’il n’existe pas d’autre politique possible.
Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.