Le trop grand nombre de musulmans
dans l’hebdo N° 1152 Acheter ce numéro
«Personne n’est obligé d’habiter en France. Mais quand on habite en France, on respecte ses règles, c’est-à-dire qu’on n’est pas polygame, qu’on ne pratique pas l’excision sur ses filles, on n’égorge pas le mouton dans son appartement. » Cet amalgame de clichés alors pratiqué par le candidat Sarkozy – nous sommes sur TF 1, le 5 février 2007 – va caractériser son mandat. Dès l’automne suivant, le Président s’en prend aux musulmans devant les Premiers ministres irlandais et suédois : un monologue confus, « dans un langage très dur, très familier, choquant pour tout dire » , contre le « trop grand nombre de musulmans présents en Europe » et leurs difficultés d’intégration, rapporte le journaliste de Libération Jean Quatremer. « Débat » sur l’identité nationale, loi sur le voile intégral, mobilisation ministérielle contre les prières dans la rue (qui concernent un quartier à Paris et un à Marseille), « débat » sur la laïcité à l’UMP, discours de Claude Guéant intimant les « usagers du service public » à « ne pas porter de signes religieux » … Les propos directs ou implicites sur les musulmans rythment le quinquennat.
Derniers en date, les mots prononcés par Claude Guéant à Nantes, le 4 avril : « L’accroissement du nombre de fidèles de cette religion [et] un certain nombre de comportements posent problème. » Les musulmans constituent le coupable idéal pour symboliser l’Autre en tant que menace globale : menace culturelle (leurs pratiques religieuses), menace sociale (les droits sociaux dont on les suspecte de bénéficier indûment), menace migratoire (les musulmans viendraient de l’étranger), et même sécuritaire (la menace terroriste).
Une figure fantasmée que va parfaitement incarner, au printemps 2010, un personnage médiatisé par Brice Hortefeux : Lies Hebbadj, dont l’épouse a été verbalisée pour port de niqab au volant. Épicier nantais naturalisé, il est suspecté de fraudes aux aides sociales. Musulman fondamentaliste, marginalisé par les pratiquants locaux pour ses comportements douteux à l’encontre de plusieurs femmes, il est mis en examen pour viols aggravés. Il n’en est que plus facile pour Brice Hortefeux d’évoquer un « présumé coupable » (quoi qu’on pense du personnage, il demeure présumé innocent) et de demander la révision du code de la nationalité. Cette diabolisation commence à laisser des traces. La France compte 2,1 millions de musulmans déclarés selon une étude de l’Ined (sur les 18-50 ans). Entre 5 et 6 millions selon le ministère de l’Intérieur. Selon un sondage réalisé par l’Ifop pour le Monde début janvier, 42 % des personnes interrogées considéraient les musulmans « plutôt comme une menace ».