L’environnement, qui commence à bien faire
dans l’hebdo N° 1152 Acheter ce numéro
S’il fallait choisir un discours révélateur de la tactique actuelle de l’Élysée à l’endroit des écologistes, il a été prononcé le 3 mai à Gravelines (Nord). Une mise en scène léchée : en blouse blanche au milieu des ouvriers de la centrale nucléaire la plus puissante d’Europe (six réacteurs), que menacerait un éventuel programme de sortie de l’atome civil, il sert un florilège dense : « Je pense que le nucléaire nous rassemble » , « je crois au progrès » , « on n’a pas le droit de jouer sur des peurs moyenâgeuses pour remettre en cause des choix qui font la puissance de notre pays » . La demande d’un moratoire sur le nucléaire est « irresponsable », il s’agit de propos « invraisemblables », relevant de la « démagogie »… « Que personne ne joue avec le nucléaire ! C’est trop important pour la France. […] C’est sérieux, de diriger la cinquième puissance économique du monde ! » Décryptage : les écologistes sont diviseurs, rétrogrades, inconséquents, politiquement immatures. Une « soupe caricaturale, mensongère et méprisante » , commente Cécile Duflot, secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts (EELV). L’offensive avait été précédée par une visite de soutien à la filière bois en Corrèze, pour signifier l’importance que le chef de l’État accorde aux énergies vertes. Sarkozy, en plein labourage préélectoral, reverdit son image.
Le 6 mars 2010, au Salon de l’agriculture, il s’était permis cette saillie devenue fameuse : « Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d’environnement, parce que là aussi, ça commence à bien faire. » Un tournant : après trois années passées à caresser dans le sens du poil un public écolo appâté avec le Grenelle de l’environnement (l’une des premières décisions du quinquennat), il jette l’éponge. Car la séduction sarkozyenne n’opère pas sur ce public, qui consent éventuellement à s’aventurer au centre, mais guère au-delà. Le Président change de tactique, tentant d’imposer l’image d’une écologie compatible avec les credo de l’UMP. Dès lors, les écologistes historiques deviennent des empêcheurs de progrès, entravent les efforts de la nation pour retrouver son rang, notamment dans des secteurs fers de lance comme l’agriculture (on a besoin des pesticides), l’automobile (nos emplois) ou le nucléaire (notre puissance). Fin 2010, le gouvernement casse brutalement les reins à la filière photovoltaïque, accusée de « spéculer » et de profiter outrancièrement des aides publiques aux énergies renouvelables. Message : les écolos sont opportunistes et piquent dans le porte-monnaie des Français. Le Président a même trouvé un gimmick qu’il agite dès que possible : les écologistes, ces gens qui sont en faveur de la décroissance – une horreur !