Les juges laxistes
dans l’hebdo N° 1152 Acheter ce numéro
«Le juge doit payer ! » , lance Nicolas Sarkozy en juin 2005. Il vise le magistrat qui a remis en liberté conditionnelle l’un des meurtriers présumés de la joggeuse Nelly Cremel. « Le ministre de l’intérieur surfe comme d’habitude sur une légitime émotion pour tenter de trouver un bouc émissaire en la personne d’un professionnel qui n’a fait qu’appliquer les lois de la République » , s’indigne l’Union syndicale des magistrats (USM).
« Laxistes ! » , jette Nicolas Sarkozy aux juges quelques mois plus tard, déplorant le peu de peines d’emprisonnement prononcées à l’encontre des émeutiers de 2005. L’affaire d’Outreau lui sert de référence : « Il ne faut pas laisser un juge sans expérience gérer seul un dossier sensible. » La nécessité « d’encadrer les juges » devient une obsession. Sarkozy accède à peine à la présidence que la loi sur la récidive du 10 août 2007 vient limiter la possibilité pour les juges d’individualiser et de diminuer les peines. Aux juges pour enfants, il propose de renoncer à leur compétence éducative. Le vote de la loi sur la rétention de sûreté et le démantèlement de la justice de proximité attisent la colère des magistrats. La responsabilité de chaque fait divers leur retombe sur les épaules.
Dernier affront en date, lors de l’affaire Laëtitia à Pornic : le président déclare à propos du principal suspect, Tony Meilhon : « Quand on laisse sortir de prison un individu comme le présumé coupable sans s’assurer qu’il sera suivi par un conseiller d’insertion, c’est une faute. » Riposte de l’USM : « Ces dysfonctionnements sont en lien avec le manque de personnels pénitentiaires et de juges d’application des peines. » Quand, le 3 février, à Orléans, le Président renouvelle sa demande de sanctions à l’encontre des juges de Nantes, les magistrats entament un mouvement de protestation sans précédent.