L’Espagne à l’heure de la révolte
Les grandes villes d’Espagne connaissent depuis dimanche un mouvement de grogne sans précédent, né de la révolte d’une jeunesse en mal d’avenir.
L’Espagne vit-elle un tournant historique ? À en croire le nombre de jeunes qui descendent dans la rue, tout porte à le croire. Depuis dimanche dernier, les grandes villes d’Espagne sont inondées de dizaines de milliers de citoyens qui dénoncent un contexte économique et politique désastreux.
En cause, un taux de chômage exorbitant (21 % au premier trimestre 2011) qui touche essentiellement les jeunes : en février, 45 % des moins de 25 ans ne travaillaient pas. Et pour ceux qui ont la chance d’avoir un emploi, les salaires restent très bas. « L’idée est de tenir » , déclare à l’AFP Juan Cobo, auto-proclamé porte-parole du mouvement. Car les contestataires font face à une interdiction de manifester : selon les autorités espagnoles, le rassemblement pourrait nuire au bon déroulement des élections municipales de dimanche.
Mais les jeunes ne comptent pas en rester là. Ils ont de nouveau défié les pouvoirs publics en campant hier à la Puerta del Sol à Madrid et dans d’autres villes espagnoles. Résultat des sit-in fleurissant un peu partout depuis trois jours : arrestations et dispersions des rassemblements, à Madrid et à Grenade. « On nous dit que samedi, nous allons être délogés violemment, on nous dit que la police va charger » , lance Berta Lopez, une chômeuse de 19 ans. En attendant, les contestataires attendent toujours la décision de la Junta electoral central espagnole (commission électorale) qui jugera de la légalité de ce mouvement de protestation.
Révolution ? Pourquoi pas. Évolution, à coup sûr. L’Espagne connaît habituellement des rassemblements de moindre ampleur. Cette fois-ci, le ras-le-bol général découle de l’ensemble des conséquences de la crise économique et, selon les manifestants, de leur mauvaise gestion par le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero. On entend ainsi dans les rangs des contestataires un rejet de la corruption, des banques et surtout des grands partis politiques.
À quelques jours des municipales, ces critiques visent essentiellement les socialistes au pouvoir depuis 2004 qui optent depuis quelques mois pour une politique d’austérité mal perçue par la population. D’après les sondages espagnols, cette stratégie anti-crise pourrait bien desservir la gauche au profit des conservateurs du Parti populaire. Sur les banderoles, les manifestants étalent leurs motivations : « Vous prenez l’argent, nous prenons la rue » ou « Si vous ne nous laissez pas rêver, nous ne vous laisserons pas dormir » .
Du côté du pouvoir espagnol, l’heure est au malaise. Pour le chef du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, il existe « des raisons » qui expliquent la colère des citoyens. Une réaction un peu courte, selon l’analyste politique Josep Ramoneda, cité par l’AFP, pour qui « l’effet de [son] annonce sera limité » puisque « son usure est très importante » . Il ajoute que les socialistes « ne parviendront pas à s’affranchir de ce vote sanction » . Dimanche, les citoyens espagnols devront élire leur Parlement dans 13 régions et les conseils municipaux de toutes les communes ibériques. Sans attendre le vote, la rébellion de la jeunesse espagnole s’étend d’ores et déjà au-delà des frontières : depuis mercredi, des rassemblements ont lieu devant les ambassades d’Espagne à Paris, à Londres, à Bruxelles, à Mexico ou encore à Rome.
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