Mort de Ben Laden : « les rapports de force internationaux ne seront pas bouleversés par la mort d’un homme »

Après la mort d’Oussama Ben Laden, abattu dans la nuit de dimanche à lundi par un commando de l’armée américaine, Al Quaida perd son symbole vivant. Trois questions à Didier Billion de l’IRIS.

Milhan Guy  • 2 mai 2011
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Mort de Ben Laden : « les rapports de force internationaux ne seront pas bouleversés par la mort d’un homme »
© Photo : AFP. Photo de Une : AFP / Dmitry Kostyukov

Oussama Ben Laden a été abattu dans une résidence fortifiée de Abbottabad dans le nord du Pakistan à l’issue d’une opération héliportée des services spéciaux américains. Le président américain affirmait lundi que l’opération avait pour objectif de capturer Ben Laden pour le traduire en justice.

Dans les premières heures après l’annonce, une photo truquée a fait le tour du monde. Une image qui « avait déjà circulé sur Internet en 2009 » , expliquait lundi à l’AFP le chef du bureau d’Islamabad de Geo TV, la chaîne la plus populaire du Pakistan. Les Américains expliquaient de leur côté avoir « enseveli en mer » le corps de Ben Laden, dans le respect des rites islamiques. Ils disent avoir des clichés du corps, sans toutefois vouloir les diffuser.

Trois questions à Didier Billion, directeur des publications de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)

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La mort de Ben Laden peut-elle être un coup de grâce pour Al Quaida ?**

Non. L’organisation a des ramifications multiples relativement autonomes, elle ne peut pas être éradiquée par le simple fait que son chef charismatique soit décédé. La mort de Ben Laden est un coup porté à Al Quaida, car de nombreuses organisations se ralliaient à cette figure charismatique. Mais ce n’est pas la mort d’un homme qui va entrainer l’écroulement de tout l’édifice terroriste qu’est Al Quaida. Il ne faut pas donner à Ben Laden plus d’importance qu’il n’en avait. Mais il y aura sûrement une perte de repères symboliques puisqu’il était devenu l’icône de cette nébuleuse qu’il avait créée.

Est-ce que, sans lui, la prétention planétaire d’Al Quaida sera mise à mal ?

Al Quaida et Ben Laden n’ont jamais eu de programme politique. Leur programme se résumait à la nécessité de bouter les croisés hors des terres sacrées de l’Islam et d’instaurer une sorte de califat islamique à l’échelle du globe. Les actions d’Al Quaida étaient coupées des réalités nationales, des combats et des luttes. En quelque sorte la mort biologique de Ben Laden confirme la mort politique de ce courant. Ces derniers mois, l’onde de choc à travers le Moyen-Orient avec la série de révoltes partant de la Tunisie (Égypte, Syrie, Yémen, Bahreïn…) n’a jamais coïncidé avec les projets d’Al Quaida et réciproquement. Nous avons vu la totale impuissance d’Al Quaida, incapable de se greffer sur ces mouvements. C’est en ce sens qu’il y a une défaite, voire une mort politique.

Barack Obama expliquait que les Américains souhaitaient interpeller Ben Laden pour le juger. Cela-vous paraît-il vraisemblable ?

Je n’en suis pas certain. Je doute qu’un procès en bonne et due forme ait été politiquement intéressant pour les États-Unis parce que cela aurait concouru à faire de Ben Laden un martyr. Les États-Unis n’y auraient pas trouvé d’intérêt.

Pour les Américains, la donne change-t-elle au plan géo-stratégique après cette « victoire » symbolique de l’administration Obama ?

De mon point de vue le 11 septembre 2001 n’a pas été un bouleversement dans les équilibres et les rapports internationaux. Tout comme je n’étais pas convaincu par le choix de George Bush de faire de la lutte contre le terrorisme l’alpha et l’oméga de la politique internationale des États-Unis. La mort de Ben Laden ne devrait donc pas, selon moi, bouleverser les rapports de force internationaux, ni assécher comme par magie le terreau du terrorisme. Certes, il y a une victoire politique et symbolique avec la disparition de Ben Laden, mais le terrorisme n’est pas éradiqué. La mouvance djihadiste a encore des ressources et une capacité de nuisance. Les rapports internationaux en ce sens ne seront pas bouleversés par la mort d’un homme.


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