Quelques notes de Cuba

La pluie qui tombe, un ciel de traîne. Des notes de guitare, une chanson entonnée nerveusement, la nudité de murs décrépis dans un intérieur modeste, des linges qui sèchent, le sourire d’une vieille dame à l’extrémité du cadre, quelques pas de danse esquissés, des maisons tartinées de chaux. Des bribes d’existence, des instantanés, une immersion dans la foule, l’ambiance d’une fête foraine, le frottement des corps, le froissement de l’étoffe, des sensations de sueur. D’une image à l’autre, c’est bien la fleur des nerfs cubaine qui est saisie. Musicale. Portée par la joie de vivre et les éclats de rire. Sans fioritures, ni pathos, sans artifices, sinon celui des enseignes clignotantes éclairant les déambulations nocturnes. Épuré, tel serait le mot d’ordre de ce film, construit avec le souffle des ruptures, des continuités et des fractures, dont la corniche de La Havane séparant la route de la mer serait la métaphore. Affaire de rythme et de montage, des couleurs feutrées, chaudes, estompées aux couleurs acidulées de la nuit quand elle est striée de néons.

S’avançant en petites touches impressionnistes, Cuba sur écoute est un Cuba en fond sonore. Un Cuba musical empli de sonorités face caméra et, hors champ, où s’accrochent d’autres sonorités, subtiles, ébauchées, comme des silhouettes éphémères, qui vont, viennent, se suspendent au micro. Et à travers le jeu sonore, c’est bien un portrait de Cuba actuel, avec ses contractions et ses contradictions que brossent les quatre jeunes réalisateurs Florence Chirié, Lucie Roy, Emilie Saccoccio et Adrian Galeazzi.

Si le documentaire n’entre pas véritablement dans une histoire politique, avec ses tors et travers, il flirte avec elle. Évoquant l’idée de départ, les désirs de migration, de liberté et l’attachement viscéral à une île envoûtante. De quoi percevoir, appréhender la musique comme exutoire, la chanson comme défouloir au gré des rythmes afro-brésiliens, rock et rap. Comme une résistance. Rafraîchissant, Cuba sur écoute est un exemple des films que donne à voir le web. Beaucoup de déchets, ou de futilités, certes, de déploiements d’ego, mais aussi de véritables perles. Malgré quelques défauts si peu perceptibles, celui-ci en est une.