REM : Une électricité scintillante
Nouvel album de REM parfaitement à son image, partagé entre puissance et délicatesse.
dans l’hebdo N° 1153 Acheter ce numéro
REM sort son quinzième album studio, trente ans précisément après son premier single, « Radio Free Europe ». Trente années qui, fait exceptionnel, n’ont pas entamé le capital d’intérêt, de respect et de sympathie qu’il possède à travers le monde. Au-delà des qualités musicales qui en font le groupe américain le plus important de ces dernières décennies avec Sonic Youth, ses prises de position et ses engagements, notamment de la part de son chanteur, Michael Stipe, y sont aussi pour beaucoup. Aujourd’hui encore, on peut signer sur son site officiel une pétition pour pousser le Congrès américain à tenir ses engagements après la catastrophe engendrée par l’explosion de la plate-forme pétrolière de BP.
En résumé, REM ne nous a jamais lâchés. En 2004, au moment d’ Around The Sun , c’était pourtant le sentiment qui prédominait. Mais la parenthèse a été vite refermée, on peut même dire claquée, avec Accelerate en 2008, un disque court que son urgence même rendait totalement jubilatoire. Les guitares étaient de retour, l’énergie aussi, un peu à la manière de Monster , avec un son moins dur et saturé mais d’une puissance impressionnante. Accelerate était aussi un disque à l’inspiration politique très présente et résumée par cette phrase qui, tout en évoquant clairement l’ouragan Katrina de 2005, ses ravages et l’attitude pitoyable de l’administration Bush face à la catastrophe, pouvait aussi être comprise de manière métaphorique : « Si l’ouragan ne nous tue pas/Le gouvernement le fera. »
Trois ans après, « Oh My Heart » y fait explicitement référence (« La tempête ne m’a pas tué/Le gouvernement a changé ») mais Collapse Into Now n’est pas dans la même veine, bien que, sur le plan purement musical, il reprenne d’entrée les choses exactement au même endroit avec « Discover », sa basse chantante, ses arpèges d’une électricité scintillante, ses accords orageux et cette voix exaltée pratiquement en lévitation. On imagine déjà la dimension du morceau en version scénique, et il va d’ailleurs falloir se contenter d’imaginer, au moins pour l’instant, car aucun concert n’est prévu pour accompagner la sortie du disque. « All The Best » accélère encore et confirme la première impression à laquelle « Uberlin » vient mettre un terme. On est plus proche là d’un « Loosin My Religion » (même phrasé). On est aussi au début d’une suite de ballades qui ressortent les guitares acoustiques, la mandoline, l’orgue et, surtout, font la part belle aux harmonies vocales. Le contraste est tellement saisissant face à la force des morceaux rapides que ces moments de délicatesse se révèlent au fil des écoutes.
Le rock pur revient en fin de disque avec un « AlligatorAviatorAutopilot_Antimatter » furieux et presque punk, suivi de l’étonnant « Walk It Back » : une minute et quarante secondes que les Ramones pourraient reprendre sans rien en changer s’ils étaient encore vivants. Avec « Blue », dans une atmosphère de brume électrique traversée par les psalmodies de Patti Smith, la boucle est bouclée par une coda en écho au refrain du premier morceau. Rien de vraiment inédit au bout du compte, juste REM. Tout REM.
Collapse Into Now, REM, Warner Bros.