Situation instable
Deux mois après le tsunami, le risque de nouvelles explosions à Fukushima n’est pas écarté.
dans l’hebdo N° 1153 Acheter ce numéro
Les équipes ne sont pas au bout des mauvaises surprises à mesure qu’elles parviennent à s’approcher des installations endommagées de la centrale de Fukushima, alors que la radioactivité sur le site est en diminution. Ainsi ont-elles découvert une nouvelle fuite dans l’enceinte du réacteur n° 3 [^2], laissant le cœur partiellement hors d’eau. Les réacteurs et piscines de stockage du site sont toujours refroidis par arrosage extérieur. Aucun délai n’est annoncé pour le rétablissement de systèmes de refroidissement en circuit fermé. En raison du ruissellement incessant, il y aurait près de 90 000 tonnes d’eau fortement contaminée sur le site, dont des quantités indéterminées s’écoulent dans le Pacifique. Des prélèvements récents sur la côte révélaient des taux de contamination de l’ordre de 18 000 fois supérieurs à la norme.
Autre épée de Damoclès au-dessus de la tête de l’opérateur Tepco : de nouvelles explosions possibles dues à l’infiltration d’air dans les réacteurs endommagés. Pour l’éviter, les équipes injectent en permanence de l’azote dans les enceintes.
Il faudra attendre 2012 au moins pour obtenir une évaluation plus précise des dégâts. L’extraction du combustible des quatre réacteurs touchés, partiellement fondu et incrusté dans les structures, pourrait prendre deux décennies, estiment des experts extrapolant la leçon de l’accident de Three Mile Island (1979, États-Unis), où le nettoyage du seul réacteur endommagé avait pris douze ans.
Alors que le séisme et le tsunami du 11 mars ont provoqué 25 000 morts, et que 120 000 personnes sont toujours installées dans des écoles ou des gymnases, le coût de la catastrophe est évalué à quelque 200 milliards d’euros. Sur fond de multiples erreurs et dissimulations, mais aussi de révélations sur les connivences entre industriels, experts et politiques, responsables des négligences coupables qui ont mené à la catastrophe de Fukushima, la contestation du nucléaire grandit au sein d’une opinion publique japonaise jusqu’alors nettement favorable. Revirement d’importance, le gouvernement vient ainsi d’abandonner le plan prévoyant de porter à 50 % la part du nucléaire dans la production nationale d’électricité (qui était de 30 % avant le 11 mars), pour se tourner plus résolument vers les énergies renouvelables.
Dans un geste de contrition pour la gestion très critiquable de la catastrophe, le Premier ministre a annoncé qu’il renonçait à son salaire jusqu’à ce qu’elle ait pris fin. Une autocondamnation à perpétuité ? La contamination de l’environnement, sensible jusqu’à 100 kilomètres du site, perdurera bien au-delà du chantier de liquidation des installations.
[^2]: Dont le combustible est du MOX, avec du plutonium extrêmement toxique.