Antifa, ha, ha, ha

Sébastien Fontenelle  • 30 juin 2011 abonné·es

Je sais pas si t’as regardé comment que Laurent Joffrin, taulier fameux du Nouvel Observateur, nous a fait de ses poils de barbiche un rempart contre la Pen, sur France 2, chez Pujadasse, l’autre soir ?
On sentait le gars fermement soclé dans son maquis, et carrément déterminé à ne pas céder un pouce de terrain — moi vivant, no pasaran, laissez-moi vous le dire, mâme Dupont. (C’est pas demain la veille que l’FN annexera les Sudètes, faites-moi confiance.)

Il était si content de lui, Laurent Joffrin, qu’il a même fait, pour le site du Nouvel Obs, juste après qu’il avait quitté le plateau pujadassique, un papier où il « explique pourquoi il fallait s’opposer à la présidente du Front national », et dont je voudrais, si tu permets, te citer cet un peu long passage : « Certes l’immigration est un problème, et la gauche a grand tort de le nier trop souvent. Mais en faire la source principale de la crise française », comme fait la Pen (et comme fait aussi Claude Guéant, mais là Joffrin est tout de suite moins antifa), « c’est recourir à une outrance propagandiste inadmissible [^2]  ». (Car en effet, mâme Dupont : « La crise financière, la crise écologique, la crise industrielle, la crise du commerce extérieur, la crise de l’euro n’ont rien à voir avec la présence d’immigrés en France », alors ça serait bien que ça cesse qu’on « assigne aux immigrés un rôle de bouc émissaire qui reflète avant tout un préjugé ethnique ». )
Dans cette péroraison, le passage vraiment intéressant, comme t’auras compris, est celui où Laurent Joffrin (nous) déclare, en passant, que : « Certes, l’immigration est un problème. »


Pourquoi est-ce intéressant ?
 Parce que c’est justement, condensé en six mots, ce que le Front national, puis toute une camarilla de penseurs de télévision, puis enfin, et au terme d’une assez conséquente lepénisation des esprits, les sinistres séides du chef de l’État français dont nous subissons depuis 2007 le règne, n’ont cessé de grogner, depuis tant d’années qu’on ne les compte plus.


Par le lâcher de ces six mots, Laurent Joffrin, lové dans sa posture de résistant d’opérette, met donc dans sa prose l’essentiel de ce qu’il prétend par ailleurs dénoncer : il est complètement d’accord avec la Pen, au fond (de même qu’avec ses fidèles imitateurs d’en Sarkozie), pour considérer qu’il faudrait quand même solutionner le « problème » que nous pose l’ « immigration », mâme Dupont, et que ça serait bien que  « la gauche » ait enfin le courage de dire là, tout haut, ce qu’hurlent les loups de la droite.


La différence vient de ce que Laurent Joffrin, courageux mais pas téméraire, se garde bien de préciser en quoi « l’immigration », vue de lui, serait un « problème » — et il a bien raison, parce qu’imagine qu’il se laisse bêtement entraîner sur une pente merdeuse qui le glisserait vers la même « outrance propagandiste » que les vilaines gens contre qui les poils de sa barbiche nous font un bouclier ?


[^2]: C’est Laurent Joffrin qui souligne — manière qu’on prenne bien la mesure de sa colère.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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