E.coli : La bio accusée à tort
Certains accusent l’agriculture biologique d’être responsable de la bactérie tueuse. Pas si simple.
dans l’hebdo N° 1159 Acheter ce numéro
À nouveau des graines germées bios et une souche identique (O104) de la bactérie Escherichia coli : l’intoxication alimentaire qui a frappé des consommateurs à Bègles, en Gironde, la semaine dernière, présente une similitude frappante avec celle qui a provoqué la crise allemande – près de 50 décès et environ 4 000 hospitalisations [^2].
L’agriculture bio responsable ? En gros : puisque la bio se prive de la chimie, elle laisse plus facilement passer les pathogènes. C’est ce qu’affirment plusieurs auteurs [^3], avec aussi peu de preuves que les autorités allemandes quand elles ont accusé à tort les concombres espagnols. « C’est un amalgame scandaleux , s’insurge Julien Adda, délégué général de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). Car il s’agit d’une crise sanitaire. Elle touche aujourd’hui la filière bio, mais le risque n’a rien à voir avec nos pratiques. »
Les « fermes » incriminées sont des unités de transformation fermées où l’on ne cultive rien. Pour optimiser leur germination, les graines baignent en milieu humide et chaud, propice à la multiplication bactérienne. Une filière sensible donc et très encadrée. Cependant, l’entreprise de production identifiée dans la crise allemande a été disculpée : les 900 analyses pratiquées n’y ont pas révélé de traces de bactérie ni d’infraction à la réglementation.
À Bègles, les investigations s’orientent vers l’Italie, où les graines bios auraient été produites en culture. L’eau d’irrigation, parfois issue de stations d’épuration, est-elle en cause ? Le fumier, engrais naturel, fait l’objet d’insinuations insistantes : O104 réside dans le système digestif des bovins – éventuellement élevés en agriculture biologique. La pratique bio impose cependant des règles de compostage des bouses éliminant les germes pathogènes par élévation de la température. Est-ce cependant suffisant pour éradiquer cette nouvelle souche d’Escherichia coli, qui n’avait auparavant été identifiée qu’une seule fois, en 2005 ?
« On s’intéresse beaucoup plus aux conditions de la prolifération qu’à la cause de l’émergence de ces micro-organismes mutants, déplore Guy Kastler, à l’association Nature et progrès, qui promeut l’agriculture bio. Ce n’est pas dans une ferme bio ni dans un atelier de germination qu’a surgi cette bactérie, résistante à huit antibiotiques ! »
La recherche biologique a identifié depuis longtemps l’usage massif de ces spécialités pharmaceutiques comme responsable de la sélection de souches bactériennes de plus en plus difficiles à éliminer. « Nous soupçonnons les élevages hors sol, où la promiscuité s’accompagne d’injections systématiques d’antibiotiques, accuse Guy Kastler. Les vraies pratiques à risques sont du côté de l’agro-industrie, pas de l’agriculture bio. »
[^2]: Ces contaminations sont a priori distinctes des intoxications relatives à la viande hachée non bio du Nord de la France, provoquées par une souche bactérienne différente et identifiée depuis 30 ans.
[^3]: Gil Rivière-Wekstein ( http://www.agriculture-environnement.fr/spip.php?article741 ) ; Jean-François Briat et Francis-André Wollman : ( http://sciences.blogs.liberation.fr )