E.coli : La bio accusée à tort

Certains accusent l’agriculture biologique d’être responsable de la bactérie tueuse. Pas si simple.

Patrick Piro  • 30 juin 2011 abonné·es
E.coli : La bio accusée à tort
© Photo : GUILLOT /AFP

À nouveau des graines germées bios et une souche identique (O104) de la bactérie Escherichia coli : l’intoxication alimentaire qui a frappé des consommateurs à Bègles, en Gironde, la semaine dernière, présente une similitude frappante avec celle qui a provoqué la crise allemande – près de 50 décès et environ 4 000 hospitalisations [^2].

L’agriculture bio responsable ? En gros : puisque la bio se prive de la chimie, elle laisse plus facilement passer les pathogènes. C’est ce qu’affirment plusieurs auteurs [^3], avec aussi peu de preuves que les autorités allemandes quand elles ont accusé à tort les concombres espagnols. « C’est un amalgame scandaleux , s’insurge Julien Adda, délégué général de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). Car il s’agit d’une crise sanitaire. Elle touche aujourd’hui la filière bio, mais le risque n’a rien à voir avec nos pratiques. »

Les « fermes » incriminées sont des unités de transformation fermées où l’on ne cultive rien. Pour optimiser leur germination, les graines baignent en milieu humide et chaud, propice à la multiplication bactérienne. Une filière sensible donc et très encadrée. Cependant, l’entreprise de production identifiée dans la crise allemande a été disculpée : les 900 analyses pratiquées n’y ont pas révélé de traces de bactérie ni d’infraction à la réglementation.

À Bègles, les investigations s’orientent vers l’Italie, où les graines bios auraient été produites en culture. L’eau d’irrigation, parfois issue de stations d’épuration, est-elle en cause ? Le fumier, engrais naturel, fait l’objet d’insinuations insistantes : O104 réside dans le système digestif des bovins – éventuellement élevés en agriculture biologique. La pratique bio impose cependant des règles de compostage des bouses éliminant les germes pathogènes par élévation de la température. Est-ce cependant suffisant pour éradiquer cette nouvelle souche d’Escherichia coli, qui n’avait auparavant été identifiée qu’une seule fois, en 2005 ?

« On s’intéresse beaucoup plus aux conditions de la prolifération qu’à la cause de l’émergence de ces micro-organismes mutants, déplore Guy Kastler, à l’association Nature et progrès, qui promeut l’agriculture bio. Ce n’est pas dans une ferme bio ni dans un atelier de germination qu’a surgi cette bactérie, résistante à huit antibiotiques ! »

La recherche biologique a identifié depuis longtemps l’usage massif de ces spécialités pharmaceutiques comme responsable de la sélection de souches bactériennes de plus en plus difficiles à éliminer. « Nous soupçonnons les élevages hors sol, où la promiscuité s’accompagne d’injections systématiques d’antibiotiques, accuse Guy Kastler. Les vraies pratiques à risques sont du côté de l’agro-industrie, pas de l’agriculture bio. »

[^2]: Ces contaminations sont a priori distinctes des intoxications relatives à la viande hachée non bio du Nord de la France, provoquées par une souche bactérienne différente et identifiée depuis 30 ans.

[^3]: Gil Rivière-Wekstein ( http://www.agriculture-environnement.fr/spip.php?article741 ) ; Jean-François Briat et Francis-André Wollman : ( http://sciences.blogs.liberation.fr )

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

« L’exploitation minière, un modèle est intrinsèquement prédateur et destructeur »
Entretien 8 janvier 2025 abonné·es

« L’exploitation minière, un modèle est intrinsèquement prédateur et destructeur »

Une nouvelle ruée minière a lieu dans le monde, au nom de la transition énergétique. Une fausse solution et des politiques mensongères que décrypte la journaliste et philosophe Celia Izoard.
Par Vanina Delmas
Dans l’Allier, le lithium mine la transition énergétique
Écologie 8 janvier 2025 abonné·es

Dans l’Allier, le lithium mine la transition énergétique

Face à l’objectif d’électrification du parc automobile européen, ce métal mou aiguise l’appétit de plusieurs projets industriels en France. Une course à l’exploitation minière qui semble ignorer les principes de sobriété et de nombreux enjeux écologiques.
Par Tristan Dereuddre
Marine Calmet : « Le mouvement des droits de la nature offre une alternative au capitalisme »
Entretien 11 décembre 2024 libéré

Marine Calmet : « Le mouvement des droits de la nature offre une alternative au capitalisme »

La juriste a une obsession : transformer notre rapport au vivant, et transformer le droit. Dans le livre Décoloniser le droit, elle explique comment le droit français est encore le fruit d’un projet néolibéral et colonial, et dit l’urgence qu’il y a à le bouleverser.
Par Vanina Delmas
Écologie : « En France, nous voyons un réseau d’entraide entre les luttes se former »
Luttes 4 décembre 2024 abonné·es

Écologie : « En France, nous voyons un réseau d’entraide entre les luttes se former »

Le chercheur Gaëtan Renaud a mené pendant huit mois une enquête auprès des collectifs citoyens qui ont bataillé et gagné face à des grands projets imposés et polluants entre 2014 et 2024. Il nous livre un panorama de ces dix années de luttes locales qui ont fait bouger quelques lignes. Entretien.
Par Vanina Delmas