Front de gauche : l’heure de vérité
Les communistes, réunis en conférence nationale, décident de leur candidat en 2012. Un choix qui engage l’avenir du Front de gauche.
dans l’hebdo N° 1155 Acheter ce numéro
Le Front de gauche aura-t-il un candidat à l’élection présidentielle ? Se présentera-t-il uni aux législatives ? La réponse appartient aux communistes, qui tiennent ce week-end une conférence nationale cruciale avant un vote des militants (16-18 juin). Début avril, Pierre Laurent s’était prononcé en faveur de la candidature de Jean-Luc Mélenchon tout en la conditionnant « à la conclusion d’un accord d’ensemble » (programme, législatives, dispositif de campagne). Le conseil national avait avalisé cette exigence tout en se gardant bien de reprendre à son compte l’« avis » du secrétaire national, laissant ainsi ouverte la discussion sur le choix du candidat. Après sept semaines de débat dans les sections et fédérations, le résultat est loin d’être acquis.
Mardi matin, l’accord global qui devait être finalisé avant l’ouverture de la conférence nationale, le 3 juin, n’était toujours pas bouclé. Si le programme partagé était en cours de finalisation, la discussion achoppait sur la répartition des circonscriptions législatives. Pour Pierre Laurent, le Parti de gauche (PG) aurait des prétentions excessives. Une gourmandise vivement démentie par le secrétaire national aux relations unitaires du PG, Éric Coquerel, qui reprochait en fin de semaine au PCF d’être revenu sur plusieurs propositions et de ne concéder en l’état que 13 % des circonscriptions à son parti et à Gauche unitaire (GU). Loin de la proposition formulée le PG : « 70 % des circonscriptions pour les candidatures proposées par le PCF, 10 % pour celles proposées par GU et les forces qui pourraient rejoindre le Front de gauche, et environ 20 % pour les candidatures proposées par » lui-même. Réunie en conférence nationale, le week-end dernier, GU déplore aussi ces « blocages » et récuse tout accord qui ne refléterait pas le pluralisme du Front de gauche.
L’autre sérieux point de friction porte sur la nature de la campagne. Les communistes ne veulent pas d’une « campagne individualisée » mais « collective », a rappelé Pierre Laurent la semaine dernière. Or aux yeux des communistes, a-t-il expliqué, Jean-Luc Mélenchon mène une précampagne trop personnelle. « Il a tout intérêt à passer du “je” au “nous” » , lui conseille-t-il, non sans insister sur le fait que son parti veut une direction de campagne avec des communistes visibles. Faux procès, réplique en quelque sorte le bureau national du PG, qui, dans un texte rendu public lundi, « rappelle son attachement à une campagne présidentielle et législative collective et unitaire » . Avec dans chaque circonscription des collectifs de campagne menant « dans le même élan » les deux élections, ouverts et « présidés par une personnalité du Front de gauche qui ne soit pas le candidat à la législative ni de son parti » . Et des candidats qui devront obligatoirement se déclarer sous une seule et même « étiquette politique commune ». En clair, le PG accepte l’exigence des communistes mais leur demande en retour de ne pas investir des candidats hostiles au Front de gauche.
La précaution n’a rien d’anodine. Plusieurs sections du PCF ont déjà fait savoir publiquement que, dans l’hypothèse où Mélenchon serait désigné, elles refuseraient de « s’associer à la campagne de ce candidat et […] de contribuer, sous quelque forme que ce soit, à son financement ». Depuis des mois, les communistes orthodoxes accusent la direction de leur parti, notamment sur Internet, de vouloir leur imposer un « candidat socialiste », « un social-démocrate pur jus, d’origine trotskiste (c’est-à-dire anticommuniste) ». Ses prises de position sont critiquées, plus souvent caricaturées ; on lui reproche « sa participation sans état d’âme au gouvernement Jospin qui a procédé à tant de privatisations » en taisant la participation de communistes à ce même gouvernement…
Ces attaques violentes augurent de vifs débats ce week-end, à Montreuil. Derrière le débat sur le candidat du Front de gauche, se joue un autre débat, trop longtemps différé, sur le rôle du PCF, sa stratégie, son fonctionnement.