Italie : un fort désir de vraie gauche
Les Italiens se sont prononcés contre la poursuite du nucléaire, la privatisation de l’eau et l’immunité pour Berlusconi. Ce référendum du week-end dernier désavoue le Cavaliere mais interpelle aussi le pâle Parti démocrate.
dans l’hebdo N° 1157 Acheter ce numéro
C’est un vrai tremblement de terre. Le second pour le gouvernement Berlusconi , après sa défaite cuisante aux élections municipales, qui ont vu les listes de gauche battre la droite dans nombre de communes et de provinces (l’équivalent de nos départements). Mais c’est aussi une poussée de la gauche de (la) gauche à Milan et à Naples, ainsi qu’à Cagliari, capitale de la Sardaigne, trois villes remportées par des candidats qui se sont opposés à ceux du pâle Parti démocrate (PD).
Plusieurs référendums d’initiative populaire étaient soumis au vote sur des thèmes politiquement sensibles, tels que le nucléaire, l’eau et la question des profits d’une ressource considérée désormais comme un « bien commun », et enfin l’immunité accordée par sa majorité à Silvio Berlusconi grâce à une loi votée sur mesure pour lui éviter de comparaître en justice durant son mandat.
Tout l’enjeu consistait à atteindre une participation supérieure à 50 % des inscrits, la Constitution imposant un tel quorum pour que le référendum soit déclaré valide. Pari gagné puisque 57 % des électeurs en moyenne se sont déplacés pour cette consultation, votant à plus de 95 % en faveur de l’abrogation de plusieurs lois qui proposaient un retour à l’atome, l’ouverture au privé de la gestion et de la distribution de l’eau, et une forme d’immunité pour le chef du gouvernement italien. C’est la première fois que le quorum est atteint dans un vote référendaire depuis plus de quinze ans.
Depuis les élections municipales deux semaines plus tôt, la majorité berlusconienne laissait percevoir une véritable frayeur de voir approuver ces propositions radicales, qui vont à l’encontre de la pensée néolibérale. Ce vote contrarie également la ligne des dirigeants du centre-gauche, obsédés par le leurre de la « course au centre ». Le Parti démocrate a soutenu du bout des lèvres ces initiatives populaires qui, grâce à la mobilisation d’un millier de comités locaux, n’ont eu aucun mal à recueillir les 500 000 signatures nécessaires devant la Cour constitutionnelle pour déclencher l’organisation de chaque procédure référendaire. Mieux, les deux concernant la question de l’eau ont recueilli plus de 1,3 million de paraphes chacune. C’est l’aboutissement d’un mouvement initié par des militants travaillant depuis dix ans à réveiller les volontés d’action collective.
Dans les bastions de l’ex-PCI (dont le PD est en grande partie l’héritier), en Toscane notamment, le quorum était atteint (à plus de 54 % dans certains cas) dès dimanche soir. Le PD avait tenté un ultime coup de poker en convoquant vendredi, avant-veille du vote, sur la piazza del Popolo à Rome, une manifestation en faveur du « oui », qui ne rassembla que quelques dizaines de personnes ! Nombre de commentateurs voient dans ces résultats l’expression d’un fort dépit pour la ligne du PD et du centre-gauche depuis des années, et le désir d’une (vraie) gauche rompant avec le néolibéralisme, répondant aux besoins d’une population frappée par la crise et les inégalités sociales.
Enfin, ces votes sont un coup de semonce, ou du moins un sévère avertissement à Silvio Berlusconi, à son gouvernement et à sa majorité, affaiblie comme jamais. Le Cavaliere a fait mine le soir même d’ignorer ces résultats, s’affichant tout sourires avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou… et lui expliquant ses soirées « bunga bunga » !
Prochaine échéance le 22 juin. Le Parlement sera alors appelé à vérifier si Berlusconi dispose toujours d’une majorité. Il reste que le centre-gauche ne semble pas aujourd’hui en mesure de proposer une alternative politique à court terme et, surtout, un candidat capable de rassembler toutes les forces d’opposition.
Champagne lundi à Rome pour les partisans du « oui ».