Quel candidat pour le Front de gauche ? Paroles de communistes
Quelque 670 délégués du Parti communiste , réunis à Montreuil (Seine-Saint-Denis) en conférence nationale, ont approuvé à 63,6% des suffrages le choix de Jean-Luc Mélenchon, actuel coprésident du Parti de Gauche, pour porter les couleurs du Front de gauche à la présidentielle de 2012. En contrepartie de ce choix pour lequel Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, avait déjà affiché sa préférence début avril, le PCF entend se réserver 80% des circonscriptions aux législatives. Mais rien n’est encore joué pour le député européen car cette proposition de candidature sera soumise du 16 au 18 juin au vote final des militants communistes. Outre M. Mélenchon, deux candidats communistes restent en lice: André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme, pour lequel l’orthodoxe André Gérin a implicitement appelé à voter en annonçant dimanche matin le retrait de sa candidature, et Emmanuel Dang Tran, « identitaire », secrétaire d’une section dans le 15e arrondissement de Paris.
A l’heure de la clôture, nous avons demandé à huit militants communistes présents à cette conférence nationale de nous livrer leur sentiment sur les débats de leur parti.
« La candidature de Mélenchon me parait être la meilleure »
« Ceux qui croit qu’il n’y a pas de démocratie et que tout est joué d’avance se trompent : d’abord, des décisions ont été prises en amont, par les quelques 130.000 adhérents au Parti communiste, puis de nombreuses discussions ont été menées lors de la conférence de ce weekend par les délégations départementales. Chacun a pu s’exprimer. Pour ma part, je soutiens une candidature Front de gauche. Le rôle du parti est d’offrir le rassemblement nécessaire pour permettre une transformation sociale d’envergure et redonner du sens à la gauche. Le Parti communiste a sa place au Front de gauche. Ceux qui jouent sur la fibre conservatrice ont tort, c’est une dynamique contre-productive. Si le communisme se résume à mettre la faucille et le marteau en haut des bâtiments et n’accorder de crédit qu’à la bible marxiste, ce n’est pas ma vision du communisme.
Par esprit d’adhésion, je serais tenté de donner ma voix à André Chassaigne, mais Jean-Luc Mélenchon me parait être le meilleur candidat pour rassembler la gauche. Mon seul regret : les discussions ont beaucoup trop porté sur la candidature et l’homme qui va la porter. Quant au discours d’André Chassaigne, je mets un bémol mais c’est le jeu de la démocratie, il permet aux militants d’avoir le choix jusqu’au bout et de ne pas s’enfermer dans une candidature unique.»
« Le Front de gauche est une évidence »
« Nous pouvons nous réjouir de la candidature Front de gauche même si les polémiques vont bon train et que les positions des délégués de départements sont bien tranchées de manière générale. Les débats ont été plutôt équilibrés, chacun a pu s’exprimer au cours du weekend. Nous avons beaucoup parlé de la candidature aux prochaines élections. Une investiture communiste est du suicide. Il faut s’allier au Front de gauche. La candidature de Jean-Luc Mélenchon existe dans un objectif de rassemblement pour contrer une éventuelle poussée de l’extrême-droite, donc un vote de raison, tandis que l’investiture d’André Chassaigne serait un vote de cœur pour beaucoup de communistes. Pour ma part, je suis encore indécise même si, comme je l’ai dit, le vote utile est le vote Jean-Luc Mélenchon. Des questions se posent : si André Chassaigne maintient sa candidature, Mélenchon se retirera-t-il de la course ? Le débat sera t-il enrichi ou au contraire verrouillé ? Je n’ai malheureusement pas de réponses pour l’instant. »
« Je suis pour une candidature collective Front de gauche »
« La plupart des communistes sont prêts à soutenir une candidature Mélenchon par sympathie et par raison car André Chassaigne ne dispose pas de relais médiatique suffisant. Pourtant, je préfère le second au premier : Mélenchon est en excès de personnalité et Chassaigne représente plus l’état d’esprit du Front de gauche. Il a tout a fait raison de vouloir continuer sa campagne coûte que coûte. Tout reste encore ouvert. Le fait qu’il n’y ait qu’un nom et qu’un programme me dérange. Il s’agit d’une démarche démocratique, d’avoir le choix entre plusieurs candidats, surtout quand le vote Mélenchon est si controversé au sein du parti communiste.
C’est un énorme pari pour nous de construire une unique candidature Front de gauche. Les discussions au niveau local auront toute leur importance. »
« A 100% pour André Chassaigne »
« Je suis totalement pour une candidature Front de gauche. Seulement, je ne crois pas en l’investiture de Jean-Luc Mélenchon. Il est pour moi populiste et n’incarne pas les idées du Parti communiste. André Chassaigne, lui, est un homme vrai et rassembleur. Il est certes bien moins médiatisé mais la politique n’est pas du spectacle. Il faut que l’on défende des fronts pour les luttes, et ce n’est sûrement pas Jean-Luc Mélenchon qui va nous y aider. Je serais très déçue si les communistes ne changent pas d’avis sur Mélenchon, mais c’est aussi ça le jeu de la démocratie. Les dés semblent tout de même déjà jetés. Je ne suis pas optimiste pour la suite. Même si André Chassaigne maintient sa candidature à l’issue du vote sanction, il permettra certes un choix démocratique mais sera complètement isolé. »
« Non à des accords électoralistes »
« Je soutiens Emmanuel Dang Tran, car il est hors de question de laisser mourir le Parti communiste. L’objectif d’une partie de la direction nationale est d’aller vers un grand parti, comme en Espagne ou en Allemagne. S’allier au Front de gauche est une simple stratégie électoraliste. Le projet n’est pas fini et n’a quasiment pas été débattu lors de ces trois jours, tout est dirigé vers les candidatures. En soi, les délégations ont été convoquées ce weekend pour nous faire avaler la candidature de Jean-Luc Mélenchon ! Tout notre combat doit se situer au niveau du maintien des bases. En s’alliant avec le Front de gauche et en présentant une candidature commune, nous sommes en contradiction avec la rupture avec la social-démocratie que nous prônons haut et fort. Je ne me positionne pas sur les déclarations d’André Chassaigne puisque je ne soutiens absolument pas une candidature Front de gauche. »
« Entre les deux candidats Front de gauche, mon cœur balance encore »
« Je suis à 100% pour une candidature Front de gauche. Il faut néanmoins que le candidat choisi ne soit pas seul à porter le projet lors de l’élection présidentielle. Le Parti communiste doit être représenté aux législatives à hauteur d’environ 80% des sièges et le temps de parole doit être égal entre les trois composantes. Par contre, j’ai trouvé que la conférence nationale a tenté un coup de force pour donner carte blanche à Jean-Luc Mélenchon. J’ai ressenti une sorte de pression de la part des partenaires. André Chassaigne est pour moi un porte-parole crédible des idées du Parti communiste et du Front de gauche. C’est aussi une figure reconnue mais peu médiatisée. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il apparait aujourd’hui comme la candidature la plus porteuse de rassemblement grâce à sa sur-médiatisation. Je ne sais pourtant pas encore à qui je vais donner mon vote final, mais il me semble normal que les deux candidats puissent aller jusqu’au bout. Il ne faut pas forcément que l’un s’efface pour laisser l’autre seul sous les projecteurs.
Mais les présidentielles ne sont pas les élections les plus importantes : elles sont en contradiction avec les valeurs de la République, car voter pour un seul candidat se nomme une monarchie présidentielle. Nous, communistes, devons nous concentrer sur les législatives : la seule assemblée représentative du peuple. »
« J’attends d’avoir tous les éléments pour me prononcer »
« Ce weekend a marqué une réelle appropriation des enjeux par les conférenciers, ce qui s’est traduit par un vote. Je suis pour une démarche Front de gauche qui soit populaire, visant à un rapport de force vecteur de transformation dans la société. Si la gauche arrive enfin à se rassembler, les ingrédients sont réunis pour la reconquête sociale et démocratique. Quel que soit le candidat choisi, il faudra faire appel à toutes les forces syndicales et associatives. Notre fonction est de nous mettre au service du peuple pour ouvrir la porte de l’espérance. Il faut redonner confiance à la gauche pour retrouver l’adhésion des gens qui ne se reconnaissent plus dans la politique actuelle. Je suis bien sûr pour une candidature commune Front de gauche.
André Chassaigne exprime une démarche de rassemblement mais la personnalisation n’est pas bonne. Faire cavalier seul en cas de nomination de Jean-Luc Mélenchon n’est pas forcement le meilleur choix. Quant à la candidature de Mélenchon, nous exigeons des compensations en retour, notamment des sièges aux prochaines législatives, qui sont pour nous un suffrage très important. Mon choix entre les deux candidats Front de Gauche n’est pas encore tranché. »
« Il est nécessaire que le candidat soit Front de gauche »
« Les citoyens sont demandeurs de rassemblement. Seule la candidature de Jean-Luc Mélenchon est une vraie candidature. La résolution qui annonce le soutien à Mélenchon, dans le cadre d’une campagne collégiale, qui comporte un programme partagé et des accords concernant les législatives est pour moi la meilleure des décisions si on veut faire quelque chose lors de la présidentielle. Ce n’est pas, comme certains ont pu dire, un effacement du Parti communiste, mais plutôt son renforcement au sein du Front de gauche. Il s’agit de s’ouvrir à d’autres forces de la gauche de transformation.
Cependant, il est maintenant nécessaire d’élargir nos ambitions et d’inclure les citoyens pour qu’ils soient co-élaborateurs et co-décideurs au même titre que les membres des partis constitutifs du Front de gauche. Je suis cependant très déçu de l’attitude d’André Chassaigne qui revient sur ses annonces de suivre le choix de la conférence nationale. Il se peut qu’il récupère l’adhésion et les voix des communistes les plus opposés au Front de gauche. »
→ Soutenez le premier reportage collaboratif de Politis.fr en Amérique du Nord, à la rencontre des victimes de l’exploitation des gaz de schiste et des militants opposés à cette technique destructrice.
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