À qui profite le off ?

Plus d’un millier de spectacles à l’affiche, mélangeant professionnels et amateurs. Un maquis qui fait surtout le bonheur des loueurs de salles improvisées.

Gilles Costaz  • 7 juillet 2011 abonnés

Le off, c’est depuis toujours la bouffée d’air, la turbulence, l’invention, l’audace des petits face à l’arrogance des riches. Nous aimons le off et nous ne comprenons pas l’attitude des directeurs du festival officiel, qui occupent aussi les horaires de la journée, comme pour mieux empêcher leur public de fréquenter la manifestation marginale. Le in fait tout pour faire croire que le off n’existe pas. C’est une erreur sur laquelle Olivier Py devra revenir.
Le off, qui est moins une manifestation de contestation (comme à son origine) qu’une vitrine du théâtre français et même étranger, a atteint une dimension sur laquelle il serait peut-être temps de réfléchir. Depuis qu’il est géré par l’association AF&C et son président, Greg Germain, il semble que la moralisation du off — c’est-à-dire le souci d’un code de bonne conduite du côté des loueurs de salles et des employeurs de comédiens et techniciens — ait fait quelque progrès.


On est loin de la perfection : tellement d’acteurs jouent sans être payés dans cette explosion bariolée. Quant au nombre de spectacles, il serait, cette année, d’environ 1 200 ! Sans compter les festivals parallèles de Villeneuve en scène, de l’autre côté du Rhône, et de Contre Courant, la manifestation de la CCAS, le comité d’entreprise d’EDF et Gaz de France. On tourne donc autour de 1 300 spectacles.


La plupart des compagnies repartiront ruinées après avoir travaillé dans des conditions difficiles. Les plus chanceuses auront décroché un certain nombre d’achats de leur spectacle. Heureusement ! Avignon off, c’est ça : le rêve d’être vu par des programmateurs et d’être engagé la saison suivante.


À qui profite le nombre ? Aux nantis avignonnais qui louent leurs espaces transformables en théâtres provisoires, souvent pour de grosses sommes, et s’en vont passer leurs vacances ailleurs. Il y a bien sûr de vrais théâtres à Avignon. Mais combien de boîtes à savon et d’arrière-cours louées à prix d’or !
La maire d’Avignon, Marie-Josée Roig, encourage cet expansionnisme juteux qui est en train de noyer la beauté et la philosophie du off. Pourquoi accepter les troupes amateurs ? Elles ont d’immenses qualités, mais pourquoi tout mélanger ? Les départements et les Régions ont créé, depuis pas mal d’années, des lieux qui leur sont réservés.
Le Syndicat national des entrepreneurs de spectacles vient de créer un label pour ses adhérents, afin qu’on les repère dans ce maquis. Ce qui est certain, c’est qu’à ce stade de profusion, le plus est l’ennemi du bien.

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