Là, non

Sébastien Fontenelle  • 28 juillet 2011 abonné·es

Généralement, t’auras notu : dès que des bombes explosent dans des cités d’Occident — fût-ce dans l’été, fût-ce, comme à London en 2005 (56 morts, plein de blessé(e)s), dans le chaud de juillet, quand le Franz-Olivier va pour transhumer vers ses vacances –, t’as branle-bas de war on terror chez les médias. Cela se voit principalement à ce que t’as tout de suite un « expert » ès-pas mal de trucs, puis deux, puis trois, puis l’habituelle dizaine, toujours les mêmes — toujours des mecs, toujours les mêmes dix pauvres mecs, tous plus « islamologues » les uns que les autres –, qui d’un seul coup d’un seul se répandent partout, dans tous les journaux, à tous les micros, sur tous les plateaux, pour nous raconter d’un air pénétré qu’oui, David Pujadasse, oui, les signes très distinctifs du barbu qui posa les vingt tonnes de plastic (et je ne vous parle pas seulement ici de sa longue djellaba, ou de cette éprouvante manie qu’il avait de remonter Carnaby Street en hurlant qu’il allait tous nous « fumer », chien(ne)s d’ « infidèles » ) peuvent en effet nous faire penser qu’il a derrière lui cent vingt milliards de mahométan(e)s fanatisé(e)s (comme très souvent ces gens-là sont), dont Tariq Ramadan — et en effet, David Pujadasse, voilà qui est quand même bien flippant.

(Le soir, les mêmes dix relous de service se retrouvent traditionnellement chez Yves Calvi, pour un courtois mais vif débat où leur hôte les poussera dans leurs ultimes retranchements, sur le thème, quand même, Anselme, excusez-moi, mais vous n’êtes quand même pas en train de nous dire que l’islam n’est pas un danger pour l’Occident, j’espère ? — Non, Yves, je ne vous le dis pas du tout, écoutez-moi bien quand je vous réponds exactement ce que vous avez envie d’entendre : je suis au contraire en train de vous expliquer qu’entre le sournois musulman que vous croisez rue de Belleville (75020, Paris) et le mollah Omar, il n’y a guère que l’épaisseur d’un(e) putain d’islamo-gauchiste.)
 Mais ça, n’est-ce pas : c’est pour quand le bombeur est un authentique terroriste. Un vrai. Un Arabo-musulman, quoi.
Par contre : si le gars qui massacre à la bombe et au fusil 76 Norvégiens, comme a fait ce vendredi Anders Breivik, est comme Anders Breivik un Noccidental mû, grosso merdo, par les mêmes pulsions islamophobes qui (depuis tant d’années qu’on gerbe à les compter) s’énoncent chez nous quotidiennement (sous le sceau d’un iconoclasme qui fait pâmer « nos » éditocrates) ? Là, non.


Là, ça ferme fort sa gueule, chez nos amis les je-sais-tout : ça se tient même si coi que la presse [^2] en est réduite à produire, en guise d’expert, un « spécialiste » des serial killers (type Jack l’éventreur), qui ne dit surtout pas que Breivik a derrière lui cent vingt milliers de chroniqueurs islamophobes, mais qu’il a principalement succombé à un excès de jeux vidéo.
Mais attends : après le 11 septembre 2001, si je me rappelle bien, personne n’est venu nous expliquer que les mecs avaient agi sous le coup d’un excès de Flight Simulator  ? Bonnes vacances, ami(e)s.


[^2]: Le Journal du dimanche, 24 juillet 2011.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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