« Les électeurs n’ont pas voulu jouer le jeu médiatique »

Jean-Daniel Lévy, de l’institut de sondage Harris interactive, réfute
le choix d’Eva Joly comme signe d’un repli identitaire.

Politis  • 7 juillet 2011 abonnés

Politis : Le vote des militants écologistes a pris à contre-pied les estimations des sondeurs. Que pensez-vous de ce décalage ?

Jean-Daniel Lévy : Le regard porté sur les sondages est parfois caricatural : nous savons bien qu’il n’est pas possible de connaître l’opinion de 33 000 personnes. Les enquêtes se sont donc limitées à cerner ce que pensaient les Français et les sympathisants EELV, qui ne résument pas le corps électoral de cette primaire.Nous ne sommes donc pas mal à l’aise avec ce hiatus. Nous aurons les mêmes préventions pour la future primaire socialiste.

Cependant, c’est une inversion
du résultat supposé…

En effet c’est à la fois frappant et instructif : une opinion répandue voudrait que les primaires soient immanquablement distordues par les sondages préliminaires, qui orienteraient le vote des électeurs en faveur de ceux qui font la course en tête. La primaire d’Europe-Écologie-Les Verts a battu en brèche cette supposition, fondée sur l’appréciation que Nicolas Hulot, le plus populaire des écologistes et mieux coté qu’Eva Joly dans les intentions pour la présidentielle, serait préféré.

Le vote Joly manifeste-t-il
une audace politique ?

Il y a bien une forme d’attachement identitaire marquée dans la préférence pour Eva Joly. Elle semble mieux correspondre que Nicolas Hulot au profil courant des militants EELV, penchant à gauche et attachés à la mécanique d’une formation politique.

Cependant, nous ne dirions pas que ce vote traduit un repli du mouvement sur des valeurs traditionnelles. D’abord parce que le message d’Eva Joly est plus marqué par la justice sociale que l’écologie au sens classique du terme.
Ensuite, on peut penser que ce vote se comprend d’abord comme un rejet des codes d’une politique politicienne qui a tendance à privilégier l’image médiatique des candidats.

Les électeurs écologistes ont clairement montré qu’ils n’ont pas voulu jouer ce jeu. Les militants paraissent avoir été orientés en priorité par le fond : ils ont fait un vrai choix en plaçant Eva Joly en tête, en préférant la plus « politique » et la plus radicale des deux principaux candidats à l’investiture écologiste.

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