« Partir de l’existant et le transformer »
La Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase) a rejoint le Front de gauche. Explications d’un de ses animateurs, Pierre Cours-Salies.
dans l’hebdo N° 1163-1165 Acheter ce numéro
Politis : Pour expliquer sa participation au Front de gauche, la Fase a donc jugé que celui-ci « change » ?
Pierre Cours-Salies : N’oublions pas que la conception traditionnelle de la politique arrive à un point d’usure sans retour. Les partis seuls ne peuvent plus faire comme si leur était confiée la parole de tous. Toute l’actualité européenne et méditerranéenne traduit cette évolution. Il ne peut donc y avoir d’alternative au capitalisme sans que se regroupent les différentes cultures anticapitalistes. Mais « attendre » qu’une nouvelle conception surgisse d’elle-même est illusoire. Nous devons partir de l’existant pour le transformer.
Entre la Fase et le Front de gauche, nous constatons trois points d’accord décisifs. D’abord, la volonté de ne pas participer à une majorité dépendante des options sociales-libérales et faisant payer la gestion du capitalisme au plus grand nombre. Ensuite, la volonté de constituer des assemblées citoyennes locales, pour ne pas s’en tenir aux simples alliances électorales. Nous étions depuis longtemps pour un front politique large, porteur d’une alternative ; nous estimons avoir été entendus. Troisième élément prometteur : ce que le Front de gauche a appelé le « Programme partagé » n’est pas conçu comme une sorte de camisole prégouvernementale, mais comme le point de départ de larges débats dans la société.
Seriez-vous devenus optimistes ?
Une nouvelle étape s’ouvre. Pour nous, les échéances électorales à venir ne sont pas une fin en soi mais un tremplin pour que le maximum de citoyens investissent l’espace institutionnel. Ici ou là, une composante impose encore à des associations ou réseaux militants d’en passer par l’autorité de ses dirigeants, cela ne fait que freiner la construction commune de ce front large. Nous sommes déterminés à avancer vers de nouvelles relations. Si ce qui a été voulu par six composantes ne peut se faire partout, nous le dirons et essayerons de faire changer cela. Nous ne serons pas une cause d’échec, ni par des volontés polémiques destructrices, ni par un silence qui cacherait des rejets des dynamiques militantes. Le mouvement se prouve en marchant.
De quelle manière ?
Les assemblées citoyennes locales, les cadres de discussion qui commencent à se dessiner dans des départements ont un objectif clair : mettre en évidence comment une autre politique est possible, comment des choix essentiels doivent s’opérer pour que les mobilisations trouvent leur pleine force politique.
En 2005, nous avons su montrer combien les questions difficiles du traité constitutionnel européen étaient décisives dans les multiples aspects de la vie quotidienne. Nous ferons le même va-et-vient pour développer la campagne du Front de gauche dans les mobilisations pour la présidentielle et les législatives.
D’ici à l’échéance électorale, une forte actualité nous amènera à réagir en commun. Montrons ce qui doit et peut changer dans les quartiers qui subissent des discriminations sociales et politiques, jusqu’aux entreprises où les salariés ont plus de savoir collectif que leurs employeurs, et doivent avoir le droit et les moyens de vivre et de travailler autrement. Nous saurons regrouper une force pour une VIe République, pour sortir du productivisme et des gâchis sociaux et écologiques, changer les institutions pour que tous se fassent entendre autrement.
Une telle perspective peut-elle être majoritaire à gauche par rapport au PS et à ses alliés ?
Nous verrons bien. Mais la victoire sur la droite n’est pas la même si cette force se fait entendre : la vie et les luttes ne finissent pas avec les élections.