Réaction antinucléaire
Le Premier ministre se prononce pour une sortie du nucléaire. Mais Naoto Kan est sur le départ…
dans l’hebdo N° 1162 Acheter ce numéro
«Nous devons tendre vers une société capable de ne pas dépendre de l’énergie nucléaire. » Une contribution à la confusion politique ambiante ? La traduction d’un sentiment croissant dans l’opinion publique ? Les deux à la fois. Avec sa déclaration spectaculaire du 13 juillet dernier, le Premier ministre japonais Naoto Kan a pris de court le monde politique, économique et énergétique. « J’ai pris conscience que le risque nucléaire est trop élevé… »
Cette prise de position au plus haut niveau de l’exécutif fera date, alors que le sentiment antinucléaire se renforce dans la société nippone [^2]. Cependant, il faut en relativiser la portée. D’abord parce que Naoto Kan est un homme politique en sursis.
Il était déjà très critiqué avant le 11 mars, et sa cote de popularité s’est définitivement effondrée, ne dépassant pas 20 % d’opinions favorables, en raison d’une gestion jugée très défaillante de la triple catastrophe — séisme, tsunami, Fukushima. Ensuite, le Premier ministre a annoncé son départ il y a quelques semaines : il démissionnera après avoir fait passer au Parlement trois lois qui lui tiennent à cœur, en particulier sur la promotion des énergies renouvelables.
Sa « sortie » verbale du nucléaire n’a fait d’autre part l’objet d’aucun débat, pas plus au sein du gouvernement qu’au Parlement, si bien que plusieurs commentateurs la ravalent au rang d’une simple opinion personnelle. Naoto Kan n’a d’ailleurs fourni aucun calendrier ni stratégie pour étayer sa « vision ».
Le monde économique japonais oppose une argumentation classique : sortir du nucléaire menacerait la compétitivité des entreprises nationales, augmenteraient le prix de l’énergie pour les Japonais, etc.
Une semaine auparavant, le Premier ministre s’est également retrouvé au centre d’une polémique, en annonçant soudainement sa décision de soumettre tous les réacteurs nucléaires à des tests de résistance, alors que 35 des 54 réacteurs sont actuellement à l’arrêt, à la suite de problèmes surgis après le séisme, pour des vérifications ou des opérations de maintenance. Décision en apparence légitime, justifiée par la nécessité de « rassurer le public ». Mais elle vient saper les précédentes « garanties » données par le gouvernement selon qui les réacteurs arrêtés étaient en état de redémarrer, semant la confusion parmi les autorités locales qui s’étaient appuyées sur ces assertions pour donner leur propre aval. Un rapport définitif sur l’état des réacteurs est attendu le 31 octobre.
En attendant, le Japon, dont le nucléaire assurait 30 % de la fourniture électrique avant le 11 mars — et qui prévoyait de faire passer cette part à 50 % en quelques années –, a appris brutalement à vivre avec environ 15 % d’énergie électrique en moins. Le premier véritable test sur le nucléaire interviendra à la fin de l’été, quand le pays tirera les conclusions sur sa capacité à accepter des mesures forcées de modération de l’usage de la climatisation, dont le pays raffole.
[^2]: Voir Politis n° 1157.