Trop de bâtons dans les roues
Les villes françaises demeurent très mal adaptées aux personnes en fauteuil roulant. Témoignage de Damien Birambeau, atteint de myopathie depuis l’âge de 10 ans, et qui habite à Paris.
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Pas de routine métro, boulot, dodo. Atteint de myopathie depuis sa naissance, Damien Birambeau, 38 ans, a été contraint d’installer son lieu de travail chez lui, une jolie maison de plain-pied dans le XIe arrondissement à Paris. Malgré les lois successives sur le handicap, la capitale reste particulièrement peu adaptée aux personnes à mobilité réduite. Président fondateur de l’association Jaccede.com, Damien Birambeau poursuit pourtant le rêve d’une « cité tout accessible ». Selon lui, la France est très en retard sur des pays comme l’Espagne, la Hollande ou les États-Unis.
Un séjour à Berkeley, en 1993, l’a profondément marqué : « Cette ville a été équipée dès les années 1970. Au même moment, en France, on construisait le RER sans même penser à le rendre accessible aux handicapés… » La vie quotidienne lui a paru plus facile : « Je pouvais entrer partout, on ne me regardait pas bizarrement. Ils ont une autre vision du handicap là-bas. Avoir une vie sociale y est aussi beaucoup plus simple : j’ai rencontré beaucoup de gens en un mois ! »
À Paris, ses difficultés commencent dès le réveil. En fauteuil roulant depuis l’âge de 10 ans et sous assistance respiratoire, il fait appel à quatre assistants de vie pour l’aider dans sa vie quotidienne. « Il me faut une heure pour me préparer. Après, je suis plutôt autonome. »
Pour le moment, l’Allocation adulte handicapé et le soutien de sa famille lui permettent de subvenir à ses besoins. C’est au moment de sortir que les choses se compliquent. Pour se déplacer, Damien fait appel à une société spécialisée : Paris accompagnement mobilité. Le coût de revient est bien supérieur à des tickets de métro, car il faut compter entre 10 et 15 euros par trajet et, surtout, il faut prévoir sa sortie au moins une semaine à l’avance. « Aucune place pour l’improvisation ! » Mais le métro reste peu accessible, le bus peu pratique : « Il y a du monde, on a du mal à monter, on est extrêmement secoué… » Quant aux taxis : « Certains sont adaptés, mais les prix sont exorbitants ! »
Une fois dehors, son ennemi numéro un n’est autre que les marches (trottoir, magasin…). « La hauteur a une importance toute particulière : une marche de 2 centimètres peut se franchir seul, une de 5 centimètres nécessite l’aide de quelqu’un. Au-delà de 7 centimètres, c’est quasiment impossible ! » Avec un fauteuil de 150 kg, les manœuvres sont très limitées. Quantité de lieux sont dépourvus de rampes. Le pire, ce sont les pavés : « Malgré cela, on en rajoute dans certaines rues pour faire joli ! Quai François-Mauriac, pourtant un nouveau quartier, il y a des pavés énormes qui secouent beaucoup, mais aussi des barrières pour bloquer les voitures, qui nous empêchent également de passer ! ». Sans compter les dévers sur les trottoirs qui obligent à redresser la conduite pour ne pas tomber. « Tous ces obstacles découragent beaucoup de personnes à mobilité réduite, qui préfèrent rester chez elles… »
Le soir, Damien fait comme de nombreux Parisiens : « Une fois mon travail terminé, j’essaie de me détendre, et puis, si l’occasion se présente, j’invite des amis à dîner ou je sors dans un endroit accessible. » Mais il ne va jamais chez ses amis : leurs appartements ne sont pas équipés…
Les obstacles au déplacement avaient commencé dès l’école. Damien était scolarisé à Nogent-sur-Marne, c’était une « période très difficile » : « Il est même arrivé qu’un établissement me refuse. Il a été forcé de m’accueillir mais je suis resté mal intégré. » Damien s’est battu, mais a quand même dû abandonner ses études en seconde. Il rêvait alors d’une vie moins compliquée à Paris. Il ne désespère pas de la connaître un jour.