Ce qui coince pour les écolos

Les économistes d’EELV Jérôme Gleizes et Pierre Larrouturou relèvent les faiblesses du programme du Front de gauche en matière économique, sociale, énergétique.

Thierry Brun  • 15 septembre 2011 abonné·es

Le programme du Front de gauche ? « Simple et flou » sur les questions économiques et sociales, résume l’économiste Pierre Larrouturou. L’élu régional d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) en Île-de-France a parcouru les quatre chapitres concernés [^2], soit une bonne moitié des propositions du candidat Jean-Luc Mélenchon, et se dit étonné : « Oui, il faut des mesures radicales, sinon on va à la catastrophe sociale et écologique, mais il faut qu’elles soient chiffrées, financées ! »

De même, Jérôme Gleizes, économiste et responsable de la commission transnationale d’EELV, admet des points de convergence mais critique certains aspects affichés dans le programme du Front de gauche : « Il y a certes très peu de différences dans les objectifs, hormis sur les compromis entre le PCF et le Parti de gauche, en particulier autour du nucléaire et de l’agriculture. » Deux domaines qui suscitent les plus vives critiques.


L’idée d’un référendum sur le nucléaire « détourne le débat, qui est : “Comment sort-on du nucléaire” et non : “Faut-il sortir du nucléaire ?” Organiser un ­référendum signifierait que l’on doute sur le nucléaire. Un référendum renforce certes la décision populaire, mais, dans le cas présent, c’est un référendum de type gaullien pour renforcer le pouvoir du Président, ce qui n’est pas du tout notre logique chez Europe Écologie-Les Verts ».

Le soutien à une « agriculture responsable » , l’une des mesures souhaitées par le Front de gauche, n’a pas échappé à l’examen critique : « Il ne s’agit pas de responsabiliser l’agriculteur et le politique. Il s’agit de soutenir une agriculture en harmonie avec son écosystème. C’est une approche totalement différente ! », réagit Jérôme Gleizes : « Il faut changer de modèle agricole et passer à un modèle agroécologique. Cela veut dire qu’on sort de l’agriculture productiviste pour une agriculture qui tienne compte des sols, des écosystèmes, des territoires. »


Une longue série de mesures sociales, ** dont certaines sont ­spectaculaires, comme le rétablissement des 35 heures, le droit à la retraite à taux plein et le Smic à 1 700 euros brut par mois pour 35 heures, ont laissé Pierre Larrouturou sur sa faim. L’économiste s’est dit « scotché » par le smic à 1 700 euros brut : « Cela fait une augmentation de l’ordre de 70 % ! Comment financer cette proposition sans détruire des emplois peu qualifiés ? Si on est le seul pays à le faire, est-ce vraiment crédible ? Comment est-ce qu’on finance en même temps la retraite à 60 ans à taux plein pour tout le monde, l’augmentation du salaire minimum de 70 %, le remboursement de toutes les dépenses de santé, les politiques de transformation de l’économie ? »


Le militant infatigable de la semaine de quatre jours estime qu’EELV va plus loin que le Front de gauche en la matière : « Le Front de gauche reste aux 35 heures, c’était déjà dans le programme commun en 1979. Trente ans plus tard, alors que la productivité a fait des bonds colossaux, peut-on en rester là ? Nous proposons la semaine de quatre jours. Elle sera financée par une activation des dépenses de Pôle emploi. Si une entreprise passe à quatre jours et qu’il y a bien 10 % de CDI créés, elle arrête de payer les cotisations chômage. »


Les deux économistes sont d’accord sur l’idée de pôles publics bancaire et industriel, souvent évoquée par le Front de gauche, « c’est assez évident pour tout le monde, mais cela ne sert à rien de nationaliser si, en même temps, on ne change pas les règles de fonctionnement », souligne Jérôme Gleizes. Mais là aussi, tout le monde est d’accord, ou presque…


[^2]: « Partager les richesses et abolir l’insécurité sociale », « Reprendre le pouvoir aux banques et aux marchés financiers », « La planification écologique », « Produire autrement ».

Publié dans le dossier
L'offensive palestinienne
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