Gaz de schiste : un gisement de scandales

La France a adopté un moratoire sur les gaz de schiste. Un livre rappelle cependant que les industriels n’ont pas renoncé et que le combat commence à peine.

Patrick Piro  • 8 septembre 2011 abonné·es
Gaz de schiste : un gisement de scandales
© Photo : AFP / Skarzynski

Le 13 juillet 2011, la France se retrouve, une fois n’est pas coutume, à l’avant-garde mondiale de la prévention sur le dossier brûlant des gaz et huile de schiste : une loi interdit leur exploration et leur exploitation par la seule technique disponible, la fracturation hydraulique, désastreuse pour l’environnement.

C’est la sanction d’une mobilisation exceptionnelle, par son ampleur et sa célérité [^2]
, des populations concernées par les permis d’exploration accordés en douce entre août 2008 et mars 2010  [^3]
. Cette victoire éclair va même un temps déstabiliser le projet de rassemblement des « anti » à Lézan (Gard) fin août dernier (voir ci-contre) : la mobilisation ne va-t-elle pas retomber ?


Ce serait une grave erreur !, s’applique à montrer le Vrai Scandale des gaz de schiste  [^4]
 de Marine Jobert, journaliste, et François Veillerette, président du Mouvement pour les droits et le respect des générations futures. L’ouvrage retrace utilement les huit mois d’une bataille française qui mériterait une analyse approfondie : il s’agit probablement d’un tournant dans l’histoire de la sensibilisation des Français aux questions environnementales et énergétiques. Mais l’essentiel de l’ouvrage est ailleurs : en détaillant la funeste aventure des gaz de schiste aux États-Unis, démarrée en 2003, il esquisse une menace à venir intacte. Pas possible chez nous, la prolifération des forages (peut-être 700 000 aux États-Unis) ? L’injection ­massive de milliards de litres d’eau et de millions de litres de cocktails chimiques aux conséquences inconnues, les remontées de méthane et de polluants, la noria incessante des camions ? À l’instar de la traditionnelle suffisance hexagonale servie pour repousser les critiques sur le nucléaire, les industriels et le gouvernement professent que « ça ne se passerait pas comme ça chez nous ».


Difficile d’y croire : au détour de citations et de documents officiels, les auteurs montrent combien la perspective d’extraire d’énormes quantités (fantasmées ou non) de ces hydrocarbures agite fébrilement industriels et hauts fonctionnaires [^5]. Formés à la vieille école du « toujours plus », notamment issus du corps des Mines, ils tiennent fermement les commandes de la politique énergétique du pays.


Déjà un pernicieux discours  s’élabore : pourquoi se priver du gaz de schiste, à l’ère de la lutte anti-CO2, puisqu’il est moins polluant que les hydrocarbures conventionnels ? L’assertion, qui rappelle l’argument préféré des pro-agrocarburants, est battue en brèche par ­plusieurs études.


La lecture de l’ouvrage le suggère : le moratoire du 13 juillet pourrait n’être qu’une pause psychologiquement concédée aux opposants à l’orée d’une année d’élection présidentielle. Et tout sera à refaire si les industriels parviennent à convaincre les autorités (elles n’attendent que cela) que les techniques employées à l’avenir sont moins néfastes que de l’autre côté de l’Atlantique.


La vraie bataille reste donc à mener, affirment Marine Jobert et François Veillerette : parvenir à une renonciation pure et simple de l’exploitation généralisée des schistes, et faire enfin entrer la société de surconsommation dans l’ère de la sobriété.


[^2]: Tout commence en décembre dernier.

[^3]: Voir Politis n° 1137 et n° 1151.

[^4]: Éd. Les liens qui libèrent, 180 p., 18 euros.

[^5]: Les auteurs suggèrent que l’implantation du groupe énergétique états-unien Toreador pourrait avoir bénéficié de la proximité de Julien Balkany avec l’Élysée. Son avocat a réagi, évoquant des éléments diffamatoires.

Écologie
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