Les jeunes profs au casse-pipe
La réforme de 2010 a considérablement réduit le temps de formation des jeunes enseignants. Les premiers à avoir essuyé les plâtres décrivent une arrivée dans le métier très difficile. Les syndicats enseignants dénoncent un saccage de l’école.
dans l’hebdo N° 1166 Acheter ce numéro
Une deuxième fournée de jeunes profs va essuyer à la rentrée les plâtres de la réforme de la formation des maîtres entrée en vigueur en 2010. Après le rapport Jolion, remis en avril à Valérie Pécresse, un second texte officiel vient traduire le malaise grandissant autour de cette réforme : le député UMP Jacques Grosperrin a fait une proposition dans le cadre d’une mission parlementaire, visant carrément à supprimer les concours de l’enseignement ! L’obtention d’un master suffirait et le recrutement des enseignants serait confié aux autorités académiques ou aux établissements. Autant dire la suppression à terme de la fonction publique de l’Éducation. Avec quinze voix contre, ce rapport remis à l’Assemblée le 6 juillet n’est heureusement pas paru. Pour sa part, la députée communiste Marie-Hélène Amiable, résume ainsi la situation : « Traduction budgétaire délicate, offre de formation insatisfaisante, accès diminué des étudiants d’origine modeste au master, déconnexion du diplôme et du concours, désorganisation de l’année de stage des professeurs recrutés, affaiblissement du vivier des candidats… » Sur fond de « non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux », l’objectif affiché de cette réforme était de « revaloriser » le métier d’enseignant. Il y a bien eu élévation du niveau de recrutement, mais la légère augmentation de salaire en début de carrière (1 500 euros net) stagne après quinze ans d’exercice et reste en dessous de la moyenne de l’OCDE. Les conditions de travail se dégradent, les enseignants se voient confier des classes bien trop rapidement. Pour enrayer la chute du nombre de candidats aux concours, le ministère a lancé, le 1er juin, une campagne de recrutement qui a été vécue comme une provocation : il a dépensé 1,35 million pour annoncer qu’il recrutait 17 000 enseignants, ce qui correspond au nombre de postes ouverts chaque année, et alors qu’il en a supprimé plus de 33 000 en 2011. Soit 16 000 enseignants en moins à la rentrée, ce qui porte à 74 600 le nombre de suppressions depuis 2002. Fin juillet, le ministère se félicitait d’une augmentation de 7 % des inscrits au concours 2012. Le Snes, syndicat du second degré, estime à l’inverse que, « dans plusieurs disciplines, le nombre d’admis est bien inférieur au nombre de postes ouverts. […] Luc Chatel nie la souffrance engendrée par la suppression de l’année de stage ».
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