« Les primaires, quelle bonne idée ! »
Reportage – C’était la « fête des primaires » du PS, samedi, dans un quartier populaire du XXe à Paris.
dans l’hebdo N° 1170 Acheter ce numéro
Le soleil est au rendez-vous. La foule, pas franchement. Mis à part le ballet des gamins à vélo, les habitants des HLM qui entourent la dalle des Amandiers boudent la « fête des primaires », la première du genre, organisée samedi 24 octobre dans ce quartier parisien niché entre Ménilmontant et le Père-Lachaise. Une ZAC qui accuse un fort taux de chômage, et où les habitants avaient voté à près de 60 % pour la candidate socialiste en 2007.
Sous le petit chapiteau blanc, derrière les tréteaux recouverts de prospectus, la dizaine de militants, en tee-shirt bleu « Aubry 2012 » ou la veste ornée d’un badge à l’effigie de François Hollande, ne désespèrent pas d’accrocher le chaland pour lui faire l’article.
Une femme en boubou approche du stand, saisit une plaquette marquée du visage de Ségolène Royal, tourne les talons. Passant avec une poussette, une voisine, employée dans un cabinet d’avocats, s’est fait refiler un petit tas de tracts : « Moi, je trouve que les primaires, c’est une très bonne idée. Je vais voter Hollande, il parle bien, sans agressivité, j’aime ses idées, son caractère. »
De l’autre côté de la table, un sexagénaire en chemise blanche, originaire de Côte-d’Ivoire, s’échauffe avec le militant pro-Montebourg : « Les Français, en politique, ne sont pas cohérents, s’agace-t-il. Pourquoi est-ce qu’il y a tant de candidats à cette primaire ? »
Dans la section PS du XXe, les militants ont fait leur choix. Ici, on se partage, grosso modo, entre Hollandais et Aubrystes. Hollande pour la députée de circonscription, George Pau-Langevin ; Aubry pour Frédérique Calandra, la maire d’arrondissement.
Un choix que revendique aussi Matthieu, commercial de 27 ans, qui habite à Gambetta, le quartier « bobo » de l’arrondissement : « Je vais voter pour Aubry, pour son intégrité, et pour avoir remis le parti au travail. » Le militant trouve Hollande « trop rond » , Royal « institutionnalisée » , Montebourg « caricatural, pas assez concret » , Valls « malgré tout intéressant de par son parcours de fils d’Espagnols » . « Qu’Aubry soit une femme, ça compte quand même… Ça m’aurait fait mal au cœur de voter DSK » , dit Lucie, 21 ans.
Dans cet arrondissement où la droite n’est même plus représentée au conseil municipal, on assure que la cohabitation entre les différentes « écuries » se fait dans la « courtoisie » . Que les leçons de 2007 ont été tirées. Ce qui n’empêche pas les petites divisions de réapparaître au détour d’un verre de rosé. « Franchement, c’est pas sérieux qu’il y ait six candidats ! Montebourg et Valls auraient vraiment pu s’abstenir… Mais c’est pas grave, on a joué la transparence, on n’a pas la culture du petit César » , explique Frédérique Calandra, qui enchaîne avec un chapelet de griefs contre François Hollande.
Côté « Royalistes », Monique et Sophie ne cachent pas leur irritation face aux « opportunistes » , évidemment des autres camps. Tout l’été, elles ont ratissé la zone, de la porte des Lilas aux Amandiers, et assurent que « Ségolène » a toujours autant la cote dans les quartiers populaires. « Chez elle, les gens sentent du courage, de l’abnégation. Ça leur parle. Après, c’est dommage, car beaucoup ne votent pas » , soupire Monique, qui pense passer son tour si sa favorite n’est pas élue à la primaire.
Assise sur un banc de l’autre côté de la rue, Marcelle, 25 ans de quartier, observe les militants l’air renfrogné : « Je préférais comme c’était avant, quand c’était le parti qui désignait le candidat. Au moins, c’était plus clair. »