Lucile, prof de secours

Audrey Loussouarn  • 1 septembre 2011 abonné·es

Pour Lucile, 23 ans, devenir prof était un rêve de gosse. C’est devenu un job de secours. D’avril à juin dernier, la jeune femme a remplacé une enseignante de l’école Boulle à Paris. Elle a donné des cours d’anglais à trois classes d’élèves de lycée et à une classe de première année de BTS, dans le cadre d’un système très controversé dans le monde de l’enseignement : les étudiants titulaires d’une licence peuvent postuler comme vacataires à condition d’avoir une expérience d’enseignement, même d’une seule minuscule semaine.


Alors qu’elle ne cesse de réduire ses effectifs enseignants, l’Éducation nationale accroît son recrutement de vacataires. Dans l’établissement de Lucile, une autre jeune femme était dans le même cas. « Elle aussi enseignait l’anglais, qu’elle avait appris avec sa mère qui était anglaise, mais elle n’avait aucun diplôme dans cette discipline, souligne-t-elle. Dans ces cas-là, ce sont les élèves qui trinquent, car grammaire et techniques de pédagogie passent à la trappe… »


Lucile a été surprise par son entretien de recrutement. « Je n’ai passé aucun test. Le chef d’établissement s’est basé sur mon CV, mes diplômes et notre face-à-face. » C’est son parcours qui a joué. Munie d’un bac littéraire et d’une licence de langues, littérature et civilisation étrangères (LLCE), Lucile avait subi plusieurs échecs de réorientation et était partie huit mois à Londres suivre une formation CLTA (Certificate in Language Teaching to Adults). Elle avait ensuite donné des cours de français à des adultes anglophones pendant trois mois dans la capitale britannique. C’est là qu’elle a appris à « construire un cours ». « Impossible d’improviser. Mais quand on est recruté comme vacataire, les directions d’établissement ne s’assurent même pas qu’on sait le faire. On est lâché tel quel dans les classes. Je pouvais faire ce que je voulais pendant mes cours, personne ne vérifiait. »


À 23 ans, l’écart avec les lycéens n’est pas si grand. « Mais l’âge ne compte pas ! C’est le statut qui permet l’autorité, défend Lucile. Il faut garder cette idée en tête. Pour le reste, c’est l’investissement et le sens des responsabilités qui garantissent un bon professeur. »


Les contrats de vacataires sont plafonnés à 200 heures devant élèves. Total qui peut se faire en deux mois comme en un an, pour une rémunération de 34 euros brut de l’heure. Au lycée, la pression du bac reste en tête : « Quand un vacataire s’en va, les notes et les résultats de son enseignement restent pour l’élève qui va passer l’examen », précise Lucile. Elle se dit quand même heureuse de cette expérience, qu’elle conseille vivement à tout jeune voulant s’orienter vers l’enseignement : « C’est un excellent test !  »

Le rectorat de Paris a proposé à Lucile de rester en tant que contractuelle, c’est-à-dire en signant un contrat d’un an au cours duquel elle aurait « tourné » sur les différentes écoles de la ville. Mais Lucile a refusé. Elle se lance dans les métiers du tourisme.

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Les jeunes profs au casse-pipe
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