« Quinze millions de malades chroniques »
Selon Christian Saout, les inégalités dans l’accès aux soins ne cessent de se creuser.
dans l’hebdo N° 1168 Acheter ce numéro
Politis : Le Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire est signé par des personnalités issues de milieux très divers. Est-ce le signe d’une dégradation inédite du système de santé ?
Christian Saout I C’est un signe fort de préoccupation qui transcende les appartenances catégorielles. Il faut le regarder comme l’expression d’attentes partagées par tous, quelles que soient leurs conditions : maladie ou bonne santé, militants engagés dans la santé ou simples citoyens, connus ou inconnus. Nous voyons tous les inégalités d’accès aux soins et les reculs de la solidarité comme un risque pour la santé : pour soi-même ou collectivement. Car la solidarité face à la maladie, c’est aussi un peu de notre ciment collectif.
Que déplorez-vous en priorité ?
Ce qui frappe aujourd’hui, ce sont évidemment les conditions économiques de l’accès aux soins. Surtout après que l’Assemblée nationale a adopté l’augmentation de la taxe sur les contrats de complémentaire santé : au moment où il y a déjà 5 millions de nos concitoyens sans complémentaire, il n’était pas judicieux d’augmenter le coût de la protection sociale porté individuellement par chaque assuré. Ce qui frappe encore, c’est l’incapacité à rénover notre système de soins pour qu’il s’adapte aux attentes nouvelles : déserts médicaux, coordination des soins, information et accompagnement des patients. C’est décisif dans un pays où le nombre des personnes malades chroniques va dépasser bientôt les 15 millions, c’est-à-dire un quart de notre population.
Quel peut être le poids d’un tel travail collectif ?
Il a clairement vocation à favoriser l’expression des uns et des autres dans la campagne présidentielle. Personne ne s’attend à des changements notables dans le domaine de la santé avant cette échéance. En revanche, nous sommes nombreux parmi les signataires, en raison de nos expériences, de nos expertises ou de nos combats, à savoir que nous ne pourrons approcher la santé de demain avec les recettes d’hier, quel que soit le courant politique qui sortira vainqueur de la présidentielle.