À flux détendu
dans l’hebdo N° 1173 Acheter ce numéro
On avait beau espérer une autre décision, celle-ci, malheureusement, n’est pas surprenante : la justice iranienne a confirmé la condamnation de Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de faire des films, d’écrire des scénarios, de voyager à l’étranger et de donner des interviews. La justice iranienne ? Il y a comme un oxymore dans cette expression. La décision n’est pas encore officielle, elle a été divulguée par voix de presse, et l’avocate du cinéaste n’en a pas encore reçu la notification. Comme si le régime laissait à Jafar Panahi le temps et la possibilité de fuir. Mais celui-ci a plusieurs fois répété que sa place était dans son pays.
Jafar Panahi est un grand cinéaste, dont les films ont été distingués dans tous les grands festivals du monde entier. Nous avons aussi été de ceux qui ont admiré le Miroir (Léopard d’or à Locarno) ou le Cercle (Lion d’or à la Mostra de Venise). Aujourd’hui, nous sommes bouleversés par le courage dont il fait preuve, et dont témoignait Ceci n’est pas un film, sorti en France il y a quelques semaines, que Jafar Panahi a réalisé après sa condamnation en première instance avec Mojtaba Mirtahmasb, aujourd’hui lui aussi emprisonné.
Le régime iranien persécute les réalisateurs qui ont le malheur d’être indépendants, et qui font pourtant la grandeur du cinéma de ce pays. Mohammad Rasoulof, condamné avec Jafar Panahi, voit sa peine de prison réduite de six à un an, mais il est lui aussi interdit de cinéma. Début octobre, l’actrice Marzieh Vafamehr a été condamnée à un an de prison et quatre-vingt-dix coups de fouet pour avoir joué dans un film qui n’a pas plu à la République islamique. Plusieurs documentaristes ont été incarcérés au prétexte qu’ils donnent une « image négative » de leur pays. L’Iran ressemble de plus en plus à une grande salle totalement obscure.