Dans l’œil du cyclone
Le protocole de Kyoto sera caduc dans un an. Aucun nouvel accord international n’est en vue pour la conférence annuelle de l’ONU sur le dérèglement climatique, à Durban, fin novembre.
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Mais où donc est passé le dérèglement climatique ? Le problème, qui était jugé ultraprioritaire au cours des deux années passées, a quasiment disparu du calendrier des sommets entre « grands » du monde. Le contraste est saisissant entre l’effervescence qui avait précédé le sommet des Nations unies de Copenhague en 2009, et même, un ton en dessous, celui de Cancún l’an dernier, et la superbe indifférence médiatique qui accompagne le sommet climat de Durban en 2011.
Ce faible intérêt pour les questions climatiques ne fait que refléter l’enlisement dramatique des négociations internationales : aucune piste sérieuse ne se dessine, ce que confirme la dernière rencontre de préparation qui vient de s’achever à Panama en fin de semaine dernière. Pourtant, les émissions planétaires de CO2 ne manifestent aucun signe de décrue.
L’objectif « haut de gamme » demeure l’élaboration d’un accord international de réduction des émissions englobant tous les grands émetteurs. Il devrait faire suite au protocole de Kyoto, caduc fin 2012, et dont le principe se trouve aujourd’hui en grand décalage avec la réalité. Il ne contraint en effet que les pays industrialisés signataires en 1997 (sans les États-Unis, qui l’ont lâché en 2001), lesquels ne représentent plus qu’un tiers des émissions mondiales.
Depuis, les pays émergents ont grimpé dans la hiérarchie – la Chine est notamment devenue le plus gros émetteur au monde. Mais personne n’imagine un déblocage avant la présidentielle fin 2012 aux États-Unis, pays clé en la matière, et alors qu’Obama a passé son mandat ligoté par le conservatisme de l’actuel Congrès
Réalisme oblige, les négociateurs évoquent désormais 2015, voire 2018, pour l’entrée en vigueur de ce nouvel accord global encore fantasmatique. À cet horizon, les émissions devraient pourtant avoir déjà été stabilisées si l’on espère encore limiter la casse climatique…
Aussi la période de vacance post-Kyoto, sans accord international, prend-elle aujourd’hui l’allure d’un gouffre inacceptable. Deux pistes sont à l’étude pour la transition. La première, soutenue par les pays non industrialisés, consiste à prolonger le protocole de Kyoto. Illusoire : des poids lourds comme les États-Unis, la Russie, le Japon ou le Canada, s’y refusent. L’Union européenne jouerait bien le jeu, mais à condition que la communauté internationale signe une feuille de route conduisant en cinq ans à la ratification par tous du « grand » engagement global.
L’autre piste, poussée par la Norvège et l’Australie, est une consolidation des engagements volontaires adoptés depuis l’échec collectif de Copenhague. Les pays industrialisés avaient annoncé leurs objectifs de réduction, et les grands émergents leurs mesures pour calmer l’envolée de leurs émissions. Il s’agirait de se mettre d’accord pour les rendre vérifiables, mais aussi d’élever fortement la barre : à supposer que les pays tiennent leurs promesses, celles-ci ne couvrent pour le moment que 60 % de l’objectif de réduction nécessaire à l’horizon 2020.
À Durban, on risque de se résigner définitivement à l’échec redouté depuis des années : le dépassement du seuil de 2 °C d’augmentation des températures d’ici à la fin du siècle, considéré comme l’entrée dans un inconnu climatique.