De haut en bas

Un spectacle scato et christique de Romeo Castellucci. Beau.

Gilles Costaz  • 27 octobre 2011 abonné·es

Les représentations du nouveau spectacle de Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu , s’étaient déroulées sans difficulté au dernier Festival d’Avignon. C’est différent pour la reprise à Paris.

Au Théâtre de la Ville, dès le premier soir, l’association réactionnaire et intégriste Civitas manifestait devant l’entrée puis perturbait le spectacle, en occupant la scène sous les huées du public. Civitas annonce qu’elle s’en prendra aussi à une autre pièce, Golgota Picnic , de Rodrigo Garcia, qui va se donner en novembre au théâtre Garonne, à Toulouse, et au Rond-Point, à Paris, en décembre.

Après la mise à sac d’une œuvre à la collection Lambert d’Avignon, les fous de Dieu version catho frappent une nouvelle fois, sans rien comprendre à ce qu’ils contestent. Car rien n’est antichrétien dans cette courte soirée scatologique et christique.

En fond de scène est reproduit, agrandi jusqu’à occuper le tiers de l’espace, le portrait du Christ tel qu’il apparaît dans le tableau d’Antonella da Messina, Salvator Mundi . Devant ce portrait s’étend un appartement où tout est blanc. Ce blanc va être constamment souillé par les excréments d’un vieillard qui ne peut se retenir de déféquer. Son fils est là pour nettoyer le corps du vieil homme et l’appartement. Il déploie beaucoup d’amour et de patience, mais, malgré ses couches, l’homme se vide régulièrement d’une matière fécale solide et liquide. Il s’en excuse, répète qu’il est désolé, mais prend un plaisir malsain à rendre impossible la tâche de son fils dévoué.
Quand cette lutte prend fin, on ne distingue plus que le visage du Christ qui se déforme, tandis qu’apparaît, en anglais, la phrase « Tu es mon berger » , que des manipulations transforment parfois en « Tu n’es pas mon berger ».

Ces jeux, assez mystérieux, qui visent à n’imposer aucune pensée didactique, expriment non pas un défi au dogme mais un cri face à la souffrance de l’homme partagée par le Christ. Les deux acteurs, Gianni Plazzi et Sergio Scarlatella, interprètent avec une impressionnante pudeur cette partition difficile. Dans l’œuvre fascinante, irritante et inégale de Castellucci, ce chapitre du Visage de Dieu est l’un des plus beaux.

Théâtre
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