Les Indignés d’Amérique
Face à l’absence de revendications précises, la classe politique américaine accueille avec précaution du mouvement Occupy Wall Street. Pour l’heure, les protestataires ont le soutien de l’opinion. publique.
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Depuis un mois, le défilé des politiques au campement des Indignés de Wall Street à Zuccotti Park ne faiblit pas. Il y eut tout d’abord le représentant démocrate de New York, Charles Rangel, chahuté par une poignée de manifestants. Puis Michael Bloomberg, le maire de New York, venu leur dire qu’ils devaient quitter les lieux pour cause de nettoyage. Le député démocrate de l’État de New York Richard Brodsky, ancien militant pacifiste, lança, lui, à la foule : « C’est comme cela que le mouvement abolitionniste a commencé. C’est comme ça que le mouvement des droits civils et le mouvement féministe ont commencé. Vous êtes dans les premières étapes de quelque chose d’universellement important. Je suis enthousiaste d’être ici. »
La réponse des politiques face au mouvement des Indignés n’obéit à aucune logique partisane. Et pour cause, Démocrates et Républicains peinent à se positionner face à un mouvement toujours en formation, sans leader ni revendication précise. Pourtant, alors que l’élection présidentielle et le renouvellement d’une partie du Congrès approchent et que la colère contre Wall Street se propage de ville en ville, les élus sont constamment interrogés sur leur position dans les conférences de presse ou dans leur circonscription. Alors, ils répondent, quitte à se contredire. À l’instar du favori des primaires républicaines, Mitt Romney, qui parlait, aux premières heures de l’occupation de Zuccotti Park, de « guerre des classes » , avant de se rétracter : « Je me soucie de l’opinion des 99 % [de la population américaine, que les manifestants disent représenter, NDLR]. Je regarde Wall Street et je me dis : “Je comprends ces manifestants !” » Interrogé lors d’une conférence de presse début octobre, Barack Obama a lui aussi semblé tâtonner. Tout en reconnaissant que le mouvement incarnait « une frustration répandue » au sein de l’opinion publique, il a aussi rappelé la nécessité d’avoir un secteur financier « fort et efficace » pour faire croître l’économie.
Les positions tranchées dans les deux partis sont d’autant plus difficiles à trouver que les leaders démocrates et républicains doivent veiller à modérer leur discours pour attirer de nouveaux donateurs sans se mettre leur base électorale à dos, en ces temps de précampagne. À ce jeu, les Démocrates semblent avoir plus à perdre car une grande partie de leurs fonds de campagne provient des grands noms de Wall Street. En effet, jusqu’à présent, selon les données du Center for Responsive Politics, Barack Obama a levé pas moins de 12 millions de dollars auprès du secteur financier pour la Convention nationale démocrate (DNC) et 3,9 millions de dollars pour sa campagne personnelle. À eux deux, Mitt Romney et Rick Perry, les favoris républicains, ont soutiré moins de 10 millions de dollars aux grands banquiers.
Pour l’heure, les Américains soutiennent le mouvement. Selon un sondage de Time Magazine début octobre, 54 % des personnes interrogées se disent favorables (contre 23 % d’opinions défavorables). Cet état de grâce pourra-t-il durer ? Pas sûr. Selon George Arzt, conseiller politique, l’opinion pourrait se lasser de l’occupation, et des problèmes de circulation et de bruits liés aux manifestations si les indignés ne formulent pas des revendications : « Leur moment est venu : ils doivent apporter une réponse. S’ils continuent à défiler sans parler des réformes, ils vont avoir un problème. »