«Martine Aubry peut gagner !»
Dans une tribune libre, deux membres de la sensibilité «Offensive socialiste» du MJS analysent les primaires du PS. Et tentent d’attirer Montebourg dans le camp Aubry.
Que de surprises ! La mobilisation, d’abord. Deux millions et demi d’électeurs de gauche ont fait le déplacement pour choisir le candidat en phase avec leurs aspirations. Le score de François Hollande ensuite. Beaucoup prédisaient sa victoire dès le premier tour, il n’en n’est rien. L’homme providentiel, le candidat plébiscité par les sondeurs, n’est plus : place maintenant à la politique et à la réflexion… Enfin ! Martine Aubry fait mieux que de résister face au candidat socialiste qui incarnait, bon gré mal gré, les pesanteurs de la Ve République dans nos rangs. L’ancienne Première secrétaire n’accuse qu’un retard de 8 points et elle dispose d’un réservoir de voix presque infini : les suffrages du peuple de gauche qui sait maintenant où est la dynamique pour se frayer un chemin vers le socialisme, malgré et contre la logique bonapartiste des primaires.
Le score de la Dame des 35 heures est un dur coup pour les analystes de salon qui lui prédisaient un enterrement de première classe ! Restent le résultat surprenant d’un Montebourg, qu’aucun politologue n’avait vu venir, ainsi que la déconfiture spectaculaire de l’apôtre de « l’Ordre juste ». Taisons enfin, par charité socialiste, le score obtenu par Manuel Valls, les électeurs de gauche ayant su renvoyer dans les cordes le candidat de droite. Bon débarras !
Le vote est clair et sans appel. Le positionnement à gauche d’Arnaud Montebourg s’est révélé payant. Il a occupé un espace politique abandonné par une gauche socialiste peu prompte à exister en tant que telle et peut-être piégée par un « sens des responsabilités » excessif. Les 17 % « récoltés » par le camarade Arnaud exprime une soif de gauche que seule Martine Aubry peut maintenant incarner. Plutôt bon sur le crédo de l’altermondialiste, l’Europe et le protectionnisme, les faiblesses de Montebourg sont apparues patentes sur les questions de protection sociale et des salaires. C’est là que la synthèse entre Martine Aubry et lui s’opère. Hollande aura beau tenter de draguer son électorat, son positionnement modéré peut bel et bien conduire le chantre de l’austérité de « gauche » à sa perte. Sans parler du soutien de Manuel Valls ! Celui qui est contre les 35 heures et le droit à la retraite à 60 ans, pour la TVA sociale, celui qui est toujours d’accord avec Sarko, celui qui voit des délinquants -forcément immigrés !- partout, celui qui voulait se désister pour DSK, rejoint sans état d’âme le camp de François Hollande. Quel aveu ! Ce ralliement a le mérite d’être clair, même s’il doit plonger le candidat des sondages dans l’embarras…
Martine Aubry, elle, a tout de suite parlé du fond. Et c’est ce qui a plu aux salariés pendant la campagne de la primaire : du débat, de la confrontation d’idées, des propositions, bref tout ce qui nous oppose à une droite qui infantilise. Lorsque Martine Aubry réaffirme son refus « d’entrer dans une course à l’austérité avec la droite » , lorsqu’elle veut agir pour ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre pour vivre, qu’elle se bat contre les cumulards et autres barons locaux -socialistes ou non-, elle est naturellement la candidate qui représente le mieux les idées portées par Arnaud Montebourg.
Si ses électeurs de dimanche dernier sont cohérents dimanche prochain, alors Martine Aubry peut espérer tout autre chose que la sévère défaite annoncée par les thuriféraires du fait accompli. Ce sont les hommes et les femmes en mouvement qui font l’histoire, non les agences de notation et de sondage à qui l’immobilisme sied tant !
L’axe Martine-Arnaud, c’est l’axe gagnant, mais c’est aussi l’axe à construire. Tenter de récupérer l’électorat d’Arnaud Montebourg ne suffira pas pour l’emporter. Ce dernier n’ayant aucun intérêt personnel à donner de consigne de vote, il va falloir aller plus loin encore en s’ancrant davantage à gauche et pour de bon, afin de convaincre les ouvriers et les employés qui ne se sont pas déplacés hier. Confirmer le double coup de pouce au SMIC, défendre bec et ongle la retraite à 60 ans, insister sur l’exigence de salubrité publique que constitue la création d’un salaire maximum : il suffit que Martine défende ce programme chevillée au corps, et les voix qui lui manquent pour gagner viendront. Le cœur de l’électorat socialiste est bien plus marqué à gauche que la direction du parti, le résultat du 9 octobre en est la preuve manifeste.
Martine Aubry n’a pas le droit à l’erreur cette semaine. Le champ à gauche est grand ouvert pour elle et, si elle s’y engouffre, Hollande risque fort de tomber à droite. Les salariés attendent un signal fort faisant vivre en eux l’espérance d’une gauche capable de renverser l’ordre capitaliste établi, de redistribuer les richesses en récupérant ce que les « banksters » ont piqué dans les poches des salariés, et de foutre dehors la bande du Fouquet’s. Ils souhaitent en découdre, ils ne veulent pas d’une gauche d’accompagnement, ils désirent une gauche de transformation et de changement. À Martine Aubry d’incarner cet espoir à gauche et la victoire sera au bout du chemin.
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