Une ambition nouvelle
dans l’hebdo N° 1171 Acheter ce numéro
Toute nouvelle formule repose sur une part d’autocritique. Celle que nous inaugurons cette semaine n’échappe pas à la règle. Car même si notre dernière étude de lectorat est flatteuse, si le taux de satisfaction parmi nos lecteurs est exceptionnel, nous avons un devoir de lucidité. Nos travers nous privent d’un nouveau lectorat, en particulier parmi les jeunes. On ne peut se contenter de ce que nous sommes : « indépendants et engagés », certes, mais petits. Il nous faut une ambition nouvelle. S’il fallait la définir d’un mot, ce serait peut-être « diversité ». « Diversité » des approches de l’information, « diversité » des sujets, « diversité » des points de vue, « diversité » des formes…
Un bon journal est un peu comme un être vivant, fait de gravité et de légèreté, d’inquiétudes et d’espérances. Il doit savoir informer, analyser, aider à réfléchir ; il doit savoir dénoncer – sans fausse modestie, nous le faisons admirablement ! – mais aussi faire découvrir, susciter le sourire, faire passer ses messages avec plus de légèreté. Politis est trop souvent uniformément grave. Un peu comme cet ancien présentateur du journal télévisé dont Coluche disait : « Chaque fois qu’un avion s’écrase quelque part, on a l’impression que c’est sur ses pompes. » Nous sommes ainsi : nous prenons en plein visage les horreurs et les injustices du monde.
Nous voulons aussi mieux exploiter la diversité de ces réseaux d’associations et d’intellectuels au cœur desquels nous nous trouvons. Leur trait commun est d’avoir anticipé la crise économique et préconisé les remèdes quinze ou vingt ans avant qu’ils ne figurent – pour être détournés – à l’ordre du jour des grands-messes internationales. Ainsi, l’impératif écologique s’est imposé à nous dès 1988. Le croisement de l’écologie et de la question sociale, qui, comme un clin d’œil à notre histoire, est le sujet cette semaine de notre dossier, a été à la base de la création de ce journal. Or, voilà qu’il occupe maintenant la plupart des discours à la sincérité parfois douteuse. Comme la taxe sur les transactions financières, la réorganisation du système bancaire, le plafonnement des hauts salaires, et la défense du service public.
Même les notions de partage des richesses et de décroissance ne sont plus, comme naguère, tournées en dérision. Il est vrai que la crise mondiale et l’épouvantable quinquennat qui s’achève – lequel aura détruit jusqu’à la dignité de la fonction présidentielle – ont accéléré la prise de conscience.
La diversité, donc ! C’est d’abord celle de nos supports. Nous offrons maintenant à nos lecteurs un véritable bimédia. Notre site, dont vous pouvez découvrir ce même jour la nouvelle maquette, et l’hebdomadaire que vous avez entre les mains forment un ensemble indissociable. Plus de réactivité et de plus en plus d’images vidéo, ici ; et là, plus de réflexion et d’analyse. La diversité des points de vue, c’est aussi notre nouvelle rubrique « Clivage » ; la diversité des formes, c’est une meilleure alternance d’articles longs et courts, et un vrai statut de l’image et du dessin éditorial, c’est l’exploitation de tous les genres journalistiques, y compris des grandes enquêtes, en partenariat avec nos amis de Mediapart ; c’est une part désormais incontournable à l’information sur les médias, et un plus grand espace accordé à la culture.
Sur le fond, nous restons évidemment l’hebdomadaire « indépendant et engagé ». Engagé à gauche, bien sûr. Mais, là aussi, la diversité crée un devoir de pluralité. Dans un petit livre que les éditions Lignes ont eu la bonne idée de rééditer, Dyonis Mascolo se demandait en 1995 : « Qu’est-ce que la gauche ? » La droite, disait-il, est facile à définir, parce qu’elle est « acceptation de ce qui est » ; la gauche, c’est beaucoup plus difficile, « parce qu’elle est refus ». Et le refus, en soi, ne dit rien de la réalité dont on rêve. Le paysage actuel de la gauche française, c’est en effet toutes sortes de refus, du plus timide, infléchissant à peine à la marge l’état des choses, jusqu’au plus résolu, rompant franchement avec un ordre établi que dominent la finance et l’affairisme avec une avidité au profit sans précédent. Les débats des primaires du Parti socialiste montrent un bout au moins de cette palette qui va du gris terne au rose flamboyant…
C’est en fait un vrai changement de ton que nous vous proposons. Notre ambition est de faire porter plus loin notre voix. En 2006, nous avons assuré notre indépendance grâce à l’association de nos lecteurs et des salariés du journal, qui représente aujourd’hui 65 % de notre capital. Nous pourrions nous contenter de vivre dans ce que les spécialistes du marketing appellent horriblement une « niche ». Mais ,en investissant comme nous l’avons fait au cours des derniers mois, nous faisons le pari du développement. Un pari qui comporte des risques, s’il advenait que de nouveaux lecteurs, et surtout de nouveaux abonnés, ne soient pas au rendez-vous.
Nous avons la faiblesse de croire qu’il ne s’agit pas seulement du sort de Politis , et que ce que nous avons à dire doit être entendu bien au-delà des lignes actuelles. Et il y a une urgence objective. La présidentielle de 2012 n’est pas une échéance comme une autre. Jamais la rage destructrice d’une certaine droite n’a autant mis en péril notre édifice social, ni autant semé la haine entre les composantes de notre société, ni à ce point dégradé la morale publique. Il y a là, pour nous, motif à plus d’un combat. Donnez-nous les moyens de les mener avec vous !
Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.