Catastrophes à la hausse
Selon un rapport d’experts, les événements météo rologiques à venir seront de plus en plus violents, en raison d’un réchauffement planétaire accéléré.
dans l’hebdo N° 1177 Acheter ce numéro
Venus du monde entier, des experts et membres du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) se sont réunis discrètement la semaine dernière en Ouganda pour finaliser la rédaction d’un rapport sur les « événements extrêmes » liés aux modifications climatiques.
Ce texte est indépendant de la synthèse sur l’évolution du climat de la planète, dont la sortie reste programmée pour 2014. Jean Jouzel, le glaciologue et climatologue français vice-président du Giec, précise qu’ « il s’agit d’un rapport spécial, important par lui-même » . Il sera rendu public le 19 novembre, deux semaines avant la réunion mondiale sur le climat à Durban. « Coïncidence, assure Jean Jouzel, cette date correspondant simplement à la fin de notre travail sur cette question. »
Ça tombe bien en tout cas : ce texte scientifiquement alarmant pourra être opposé à l’inertie des politiques, dont les négociations, à la veille de la conférence, demeurent bloquées. La tenue de la Conférence de Rio en 2012 vient d’ailleurs d’être repoussée à la fin du mois de juin…
À Durban comme à Rio, à part certains pays en développement davantage menacés, les responsables politiques ne semblent pas prêts à prendre la mesure des conséquences climatiques, des pollutions et des destructions de l’environnement. Pourtant, il y a urgence. Dans la revue Nature , un article récent, faisant état d’une étude à paraître, évoque une augmentation moyenne de la température terrestre qui dépasse largement les 2 °C pour les années 2050…
Le rapport du Giec, dont Politis a pu consulter une version préliminaire, aligne les arguments à destination des sceptiques. Il dépeint un « futur sauvage dans un monde souffrant de catastrophes naturelles causant des milliards de dollars de dégâts » . Lors de son passage à Paris en juillet, Rajendra Pachauri, le président du Giec, avait déclaré : « Ce que nous avons dit dans notre quatrième rapport climat, publié en 2007, est très clair : nous annoncions qu’il y aurait plus d’inondations, de sécheresse, de vagues de chaleur et d’événements pluvieux extrêmes. C’est en train de se produire. »
Les experts expliquent que les coûts des ravages climatiques en vies humaines et en argent vont considérablement augmenter, et que certaines régions du monde « deviendront à peu près invivables » , en raison de la répétition des inondations et de l’accentuation des sécheresses. Selon l’un des experts américains du Giec présent en Ouganda, le récent épisode neigeux subi par les États-Unis début novembre est typique de ces dommages climatiques. Tout comme la sécheresse qui frappe l’État du Texas et le sud-ouest des États-Unis, et la Somalie depuis 2008.
De plus en plus d’épisodes caniculaires ou de froid extrême risquent de se produire. Dès les années 2050, les vagues de chaleur pourront dépasser de 5 °C les moyennes saisonnières, et cela sur de longues périodes. Cette augmentation pourrait même atteindre 9 °C en 2100… Les orages isolés et très violents seront de plus en plus fréquents. Actuellement, leur occurrence dans les régions tempérées se situe autour d’une fois tous les vingt ans. La mini-tornade à caractère tropical qui a frappé le 4 novembre les communes d’Anduze et de Générargues, dans le Gard, avec un vent de plus de 150 km/h pendant quelques minutes, illustre les craintes du Giec. Le rapport, dont les aspects les plus alarmants risquent d’être « gommés » par le déni des gouvernements, ajoute que les ouragans et les cyclones ne devraient pas augmenter en nombre mais en puissance de destruction.
Autre aspect non négligeable de la discussion mondiale : l’impact financier et économique des catastrophes naturelles. Les primes payées par les compagnies d’assurances pour être elles-mêmes assurées ont enregistré une augmentation de 30 à 50 % au cours des deux dernières années. Les inondations en Thaïlande, qui ne sont d’ailleurs pas terminées, devraient coûter au moins 4,6 millions de dollars aux assureurs. Des copies de ce rapport préliminaire circulent déjà dans les états-majors des grandes sociétés d’assurances, qui sont en général les seules multinationales à faire pression pour que des décisions soient prises lors des sommets climatiques.