Ce qu’en disent les candidats
Pour Nicolas Sarkozy, le sacrifice des retraites est indispensable pour conserver un triple A. Du côté de François Hollande, on le formule autrement, mais ça risque bien de revenir au même…
dans l’hebdo N° 1175 Acheter ce numéro
Il y a un an, Nicolas Sarkozy promulguait sa réforme des retraites. En dépit de l’hostilité d’une majorité de Français. Et contre sa promesse de campagne de maintenir « le droit à la retraite à 60 ans » . La faute à la crise, expliqua-t-il : en relançant le chômage, elle avait fait baisser les cotisations sociales, et les déficits des régimes de retraite attendus par les experts à l’horizon 2030 étaient déjà atteints en 2010. La réforme visait à préserver le principe de la répartition ainsi que le niveau des pensions des retraités, actuels comme futurs.
Une année plus tard, cette justification a cédé le pas à une autre explication, plus crue : le recul de l’âge de départ en retraite aurait été guidé par le souci de conserver le désormais fameux « triple A ». L’agence Moody’s met la France sous surveillance ? Aussitôt, le ministre de l’Économie François Baroin assure sur France 2 que cette note « est une condition nécessaire pour protéger notre modèle social » et que le gouvernement mettra « tout en œuvre » pour qu’elle ne soit pas dégradée. Ce qu’il a déjà fait, a complété en substance Nicolas Sarkozy, le 27 octobre. Si nous l’avons encore, a expliqué le chef de l’État, c’est parce que, contrairement à la Grèce ou à l’Italie, le gouvernement a « fait la réforme des retraites à temps » et a « supprimé 150 000 postes de fonctionnaires » .
Tardif, l’aveu est assorti d’un avertissement : si l’Allemagne peut emprunter à un taux d’intérêt inférieur au nôtre (2,3 % contre 3 %), c’est parce que « nous dépensons trop » . « Plutôt que de nous énerver contre les agences de notation, réduisons notre déficit, remboursons notre dette, travaillons plus et mieux » , conseille Nicolas Sarkozy en rappelant que « tout le sens de la politique » qu’il impulse vise à « rapprocher la France d’un système qui marche, celui de l’Allemagne » .
Cette convergence économique franco-allemande, François Fillon la dessinait ainsi le 22 septembre : « Il faudra aller vers un temps de travail commun, vers un âge de retraite commun. » Le jour de la présentation du budget de la Sécu, et en pleine primaire socialiste, cette déclaration du Premier ministre ne pouvait passer inaperçue. Outre-Rhin, l’âge de la retraite avec une pleine pension sera porté à 67 ans d’ici à 2029. Un avant-goût du programme de Nicolas Sarkozy en 2012 ?
Valérie Pécresse a maladroitement tenté de désamorcer la polémique en rappelant que l’âge de la retraite sans pénalité financière, pour les personnes n’ayant pas tous leurs trimestres de cotisation, serait porté dès 2023 en France à… 67 ans.
Une victoire de la gauche l’empêcherait-elle ? François Hollande « rétablira l’âge légal » à 60 ans, mais seulement pour « ceux qui ont cotisé 41 années », a-t-il expliqué lors du débat qui l’opposait à Martine Aubry, le 12 octobre. Quant à permettre à ceux qui ont eu des métiers pénibles de partir à 60 ans, François Hollande renvoie la question à « la réforme » que son gouvernement soumettra « aux partenaires sociaux […] en 2013 » . Enfin, ceux qui ne pourront justifier de ces annuités « auront une décote qui ne les conduira pas nécessairement à prendre leur retraite à 60 ans » .
Le candidat du PS n’envisage pas de revenir sur l’allongement de la durée de cotisation, et même n’exclut pas de l’augmenter. « Oui, il va falloir allonger la durée de cotisation en fonction de ce qu’on sait de l’espérance de vie » , déclarait-il le 11 février 2010 sur France 2 face à l’UMP Xavier Bertrand. « Je suis favorable à ce qu’il y ait un lien presque mécanique entre l’allongement de l’espérance de vie et l’allongement de la durée de cotisation » , complétait-il le 30 mai 2010, sur Europe 1.
François Hollande a tellement intégré l’inéluctabilité de cet allongement que, dans le Rêve français (Privat), il présente le contrat de génération, la mesure phare de son projet, comme une conséquence de « l’augmentation de l’activité des seniors, contrepartie du recul de l’âge de la retraite » (p. 36). Un dispositif nécessaire « si nous voulons que davantage de jeunes aient des contrats à durée indéterminée à un âge qui ne soit pas trop tardif et que des seniors [NDLR : pas tous ?] puissent travailler plus longtemps et accéder à une retraite à taux plein » (p.101).
Les déclarations de Didier Migaud et Pascal Terrasse ne sont pas plus rassurantes. Le premier, président de la Cour des comptes, estimait le 25 octobre que « la réforme [des retraites] était indispensable » . Toutefois, « elle ne garantit pas l’équilibre absolu en 2018 » , juge-t-il, considérant « vraisemblable qu’il faudra aller plus loin demain » , sans exclure de repousser l’âge légal du départ en retraite. « La vérité, c’est qu’il faut qu’on aille à 65 ans sur la borne d’âge » , avait dit le second, député de l’Ardèche et conseiller retraites du candidat, lors d’un colloque organisé le 12 octobre par un institut de recherche sur l’économie du vieillissement.
Chez les écolos, en l’absence de projet ficelé et adopté, il faut bien s’en remettre aux rares déclarations d’Eva Joly sur le sujet. Comme cette promesse dans son discours de clôture des journées d’été d’EELV à Clermont-Ferrand : « Nous reviendrons au droit à la retraite à 60 ans et engagerons une réforme juste et durable. » Pour les précisions, mieux vaut attendre. Car si les écologistes évoquent dans les « Orientations pour leur projet » « le droit à une retraite longue et choisie » , la candidate estimait le 13 septembre 2010, sur RTL, qu’ « il serait plus juste de rallonger pour tout le monde la durée de cotisation que de reculer l’âge de la retraite » .
Le rétablissement du « droit à la retraite à 60 ans à taux plein (75 % du salaire de référence) pour toutes et tous » figure en revanche dans le programme du Front de gauche. Assorti d’une double précision : « La pénibilité de professions particulières » sera « prise en compte » et donnera « droit à des départs anticipés » ; « aucun salarié ne touchera de retraite inférieure au Smic » . « Ce n’est pas parce qu’on vit plus vieux qu’il faut travailler plus longtemps , affirmait Jean-Luc Mélenchon, le 20 octobre, sur TF1. C’est une sottise ! Car si l’on vit plus vieux c’est parce qu’on travaille moins que les générations précédentes. » Le propos tranche mais montre aussi l’absence de consensus à gauche.