Espagne, victoire en trompe-l’oeil

La droite obtient à peine plus de voix que lors des précédentes législatives, en 2008.

Denis Sieffert  • 24 novembre 2011 abonné·es

Si les Espagnols ont délivré, dimanche, un message politique, ce n’est certainement pas celui qui domine dans les commentaires de ce côté-ci des Pyrénées. En fait de « raz de marée de la droite », le Parti ­populaire (PP) de Mariano Rajoy n’a guère recueilli que 10 830 694 voix contre 10 276 238 lors des législatives de 2008. Soit une progression infime.

Le PP ne doit son succès électoral (186 sièges sur 350 et 44,62 % des suffrages) qu’à un effondrement du Parti socialiste (PSOE), qui obtient le score le plus faible de son histoire (111 sièges et 28,73 % des suffrages), et à un taux d’abstention record (47 % seulement de participation). C’est donc surtout une perte de confiance dans les deux grands partis traditionnels qui s’est exprimée dimanche.

Les socialistes en sont les principales victimes, sans doute parce que la population qui avait donné deux fois de suite une majorité relative au PSOE, en 2004 et en 2008, a été déçue par la politique de José Luis Zapatero, qui dirigeait le précédent gouvernement. Incapable d’offrir des solutions de gauche à la crise économique, appliquant au contraire toutes les recettes libérales, il laisse un pays exsangue avec 5 millions de chômeurs. Le sentiment s’est installé que cette gauche socialiste faisait la même politique que la droite, alors que – facteur aggravant – c’est d’elle que l’on attendait une politique de justice sociale.

L’autre manifestation de cette perte de confiance dans les deux grands partis, c’est la montée des « petits partis ». Passant de 2 à 11 députés, Izquierda Unida (IU, Gauche unie) est le principal bénéficiaire des 4,3 millions de voix perdues par le PSOE depuis 2008. Le « Front de gauche » version espagnole, dirigé par Cayo Lara, gagne 700 000 voix par rapport à 2008. On peut ­imaginer que nombre d’Indignados, les « Indignés » de la Puerte del Sol, ce mouvement de protestation né au mois de mai, ont voté pour IU.
Au plan régional, il faut aussi noter que le parti nationaliste catalan, Convergència i Unió (CiU), devance pour la première fois le PSOE en Catalogne, et que le nouveau parti indépendantiste basque, Amaiur, obtient 7 sièges, soit 2 de plus que le Parti nationaliste basque (PNV).

Enfin, les écologistes d’Equo, parti récemment créé par un ancien directeur de Greenpeace-Espagne, fait son entrée au Parlement avec un siège.
Au total, les élections espagnoles confirment surtout un sentiment d’impasse créé par la politique du PSOE. Le mythe d’une alternance sans fin et sans véritable alternative, qui se traduirait par une analyse sommaire (« en temps de crise, les sortants sont toujours battus »), atteint peut-être ses limites. Il se pourrait qu’un nouveau paysage politique soit en train de se redessiner, qui bousculerait profondément le bipartisme traditionnel de ce pays.
Denis Sieffert

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« Pour Trump, les États-Unis sont souverains car puissants et non du fait du droit international »
Vidéo 17 janvier 2025

« Pour Trump, les États-Unis sont souverains car puissants et non du fait du droit international »

Alors que Donald Trump deviendra le 47e président des Etats-Unis le 20 janvier, Bertrand Badie, politiste spécialiste des relations internationales, est l’invité de « La Midinale » pour nous parler des ruptures et des continuités inquiétantes que cela pourrait impliquer pour le monde.
Par Pablo Pillaud-Vivien
Avec Donald Trump, les perspectives enterrées d’un État social
Récit 17 janvier 2025 abonné·es

Avec Donald Trump, les perspectives enterrées d’un État social

Donald Trump a promis de couper dans les dépenses publiques, voire de supprimer certains ministères. Les conséquences se feront surtout ressentir chez les plus précaires.
Par Edward Maille
Trump : vers une démondialisation agressive et dangereuse
Analyse 17 janvier 2025

Trump : vers une démondialisation agressive et dangereuse

Les règles économiques et commerciales de la mondialisation ayant dominé les 50 dernières années ont déjà été fortement mises en cause. Mais l’investiture de Donald Trump va marquer une nouvelle étape. Les échanges économiques s’annoncent chaotiques, agressifs et l’objet ultime de la politique.
Par Louis Mollier-Sabet
À Hroza, en Ukraine, les survivants tentent de se reconstruire
Reportage 15 janvier 2025 abonné·es

À Hroza, en Ukraine, les survivants tentent de se reconstruire

Que reste-t-il quand un missile fauche 59 personnes d’un petit village réunies pour l’enterrement d’un soldat ? À Hroza, dans l’est de l’Ukraine, les survivants et les proches des victimes tentent de gérer le traumatisme du 5 octobre 2023.
Par Pauline Migevant