La nouvelle question palestinienne

Un ouvrage collectif analyse les différentes solutions au conflit.

Denis Sieffert  • 24 novembre 2011 abonné·es

Deux États ? Un État ? La question ne se posait plus, dans le conflit israélo-palestinien, depuis que l’OLP avait franchi le pas historique de reconnaître Israël en 1988. Elle se pose aujourd’hui, mais chargée d’une ambiguïté nouvelle. L’hypothèse d’un État peut aussi bien s’entendre comme l’accomplissement de l’idéal historique d’un État binational laïque et démocratique que comme l’acceptation par les Palestiniens d’une situation de minorité opprimée. Les empiétements quasi ininterrompus, depuis 1967, de la colonisation israélienne, et la lâcheté des grandes capitales appelaient donc une nouvelle réflexion, qui est au cœur de l’ouvrage collectif conduit par Dominique Vidal.

Tous les aspects du problème sont envisagés : droit international (Monique Chemillier-Gendreau), démographie (avec Youssef Courbage, qui remet en cause l’idée selon laquelle « le temps jouerait en faveur des Palestiniens »), économie (Julien Salingue)…

Les auteurs envisagent le nouveau rapport qui se créerait dans le cadre d’un seul État qui ne serait plus cet État binational dont la gauche du Yichouv rêvait jadis, inspirée par Martin Buber ou Judah Leon Magnes, ou encore Hans Kohn, et dont Dominique Vidal nous restitue la mémoire. Il ne s’agit plus d’intégrer le sionisme à l’Orient, mais de l’imposer par la force à une population palestinienne désarmée. La relation ainsi créée aurait à voir avec un apartheid, dont nous voyons les prémices aujourd’hui, et avec la dialectique « maître-esclave » analysée par Raef Zreik. Comme le souligne Leila Farsakh, il s’agit ici moins d’exploiter la population autochtone que de la chasser, mais c’est bien un « apartheid rampant »qui s’installe, ne serait-ce qu’aux dépens des Palestiniens de nationalité israélienne. Un apartheid qui se précise depuis que les accords d’Oslo, en 1993, ont dessiné les contours de véritables « bantoustans ». Selon Gadi Algazi, il n’y a pas de solution qui résolve en elle-même le vrai problème : celui de la colonisation.

En guise de conclusion, l’article de Farouk Mardam-Bey rappelle que le concept d’État binational a déjà connu des avatars. On a oublié que des Palestiniens, comme Abou Iyad et Nabil Shaath, ont plaidé dès 1968 pour un État binational, laïque et démocratique. Idée étouffée par la propagande israélienne. Farouk Mardam-Bey appelle de ses vœux cette solution, mais comme utopie féconde passant par la réalisation d’une solution bi-étatique. Il rejette l’hypothèse qui résulterait, même momentanément, de l’abandon de la revendication nationale, et d’une acceptation, par dissolution de l’Autorité palestinienne, d’un État unique qui s’apparenterait à la réalisation du Grand Israël, et serait l’aboutissement de la pire des politiques, côté israélien, ou, côté palestinien, de la politique du pire.

Idées
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