Les accros du nucléaire
L’Agence internationale de l’énergie a élaboré un scénario « bas nucléaire » pour 2035, mais noircit le tableau.
dans l’hebdo N° 1177 Acheter ce numéro
C’est une première au sein de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) : son dernier rapport annuel prospectif – un document qui fait référence – envisage pour la première fois l’hypothèse d’un franc recul du nucléaire dans le monde.
Le sujet est sensible, et l’agence, une émanation de l’OCDE qui n’a jamais professé d’animosité envers cette technologie, s’offre un luxe de justifications et se défend d’énoncer une prophétie autoréalisatrice : après Fukushima, la confiance dans le nucléaire a vacillé, les assurances renâclent, les coûts augmentent, les opinions publiques se braquent… Et puis il y a le principe de réalité : plusieurs pays ont déjà fait marche arrière (Allemagne, Belgique, Italie, Suisse, Mexique…).
L’AIE a donc étudié une variante « bas nucléaire » de son scénario central pour 2035 : aucun nouveau réacteur n’est construit dans la zone OCDE, les pays hors OCDE (Chine, Russie, Corée, Inde…) réduisent de moitié le nombre de leurs projets, et la durée de vie supposée des centrales existantes est portée à 45 ans (au lieu de 50 ans). Résultat : la part du nucléaire dans la production mondiale d’électricité tombe de 13 % à 7 %.
Mais loin d’envisager cette projection comme une bifurcation historique possible, l’AIE noircit le tableau de ce déclin – qui ne concerne pourtant qu’une variation de 6 % de la production mondiale d’électricité, et seulement 1 % de la consommation toutes énergies confondues : il faudra un recours accru aux énergies fossiles (émissions de CO2, hausse des prix, etc.), craindre pour la sécurité énergétique, affronter des difficultés pour satisfaire la consommation dans les pays émergents…
Ce développement théorique sert finalement à valoriser le scénario central de l’AIE (dit « nouvelles politiques »), qui n’intègre qu’un mini-ajustement à la baisse de ses prévisions antérieures de croissance de la production nucléaire dans le monde : elle ne serait « que » de 70 % à l’horizon 2035. Fukushima : une vaguelette dans les politiques énergétiques mondiales.