Les écologistes au pied du mur

Le conseil fédéral d’Europe Écologie-Les Verts se prépare samedi à un débat houleux sur le résultat
des négociations avec le Parti socialiste, qui comporte des avancées mais pas l’abandon, jugé crucial, du chantier de l’EPR à Flamanville.

Patrick Piro  • 17 novembre 2011 abonné·es

Le nouveau réacteur nucléaire d’EDF sera bel et bien achevé en cas de victoire de François Hollande à la présidentielle : mardi dernier, Europe Écologie-Les Verts (EELV) et le PS ont finalement pris acte d’une divergence majeure sur la question du chantier de l’EPR de Flamanville (Manche), qui bloquait toutes les négociations entre les deux partenaires pour la présidentielle et les législatives 2012 (voir encadré).

En l’espace de dix jours, la France s’est offerte à la hussarde un exécrable « débat » sur le nucléaire : politiques de tous bords et industriels se sont ingéniés à tirer à boulets très grossiers – chiffrages mensongers, propos outranciers, pressions –, agitant le spectre d’une catastrophe économique et sociale.

C’est Henri Proglio, président du conseil d’administration d’EDF, qui lance qu’une sortie du nucléaire menacerait un million d’emplois et coûterait entre 0,5 et 1 point de PIB. L’Uniden, qui réunit 37 entreprises représentant 70 % de la consommation industrielle d’électricité communique : « Sortir du nucléaire, ou comment achever la délocalisation de nos industries. » Jean-Pierre Chevènement, candidat du MRC à la présidentielle, incite François Hollande à ne « pas céder au lobby des Verts, qui veulent massacrer ce qui reste de notre tissu industriel ». « Vouloir attenter au nucléaire est une folie » , enfonce Michel Rocard.

EELV avait déjà renoncé à la formule « sortie du nucléaire » dans un éventuel accord : irrecevable pour des socialistes peu préparés à ce grand saut ; avant la catastrophe de Fukushima, le PS était globalement pro-atome. Les écologistes se résignaient donc à la position du candidat socialiste François Hollande : une réduction de 75 % à 50 % de la part du nucléaire dans la production électrique en 2025, repli coïncidant à peu près avec le rythme d’un scénario de sortie progressive du nucléaire, dont on pourrait discuter plus tard en fonction des résultats au premier tour de la présidentielle.

Mais à condition d’arrêter l’EPR, dont la construction prolongerait l’aventure nucléaire de la France de soixante ans. Fin octobre, Michel Sapin, bras droit de Hollande pour les négociations, déclarait encore que « Flamanville est en train de devenir un grand ratage industriel »  [^2]. Peine perdue, le candidat PS déclare lundi 7 novembre : « Je préserverai la construction d’un EPR, à la condition bien sûr que toutes les règles de sécurité soient respectées. » Et Pierre Moscovici, sur le point d’être désigné son directeur de campagne, de préciser : « C’est un acte de fermeté, c’est une position de principe. »

Les socialistes restent donc fidèles à leur justification économique et industrielle du nucléaire. Arnaud Montebourg, proche de François Hollande sur ce chapitre, estime qu’ « arrêter un chantier où on a déjà dépensé quelques milliards, c’est de la destruction de valeur » . Rien à voir en apparence, donc, avec la décision prise en 1997 par Lionel Jospin de mettre fin au gouffre financier de Superphénix, réacteur expérimental. L’EPR, lui, est partie prenante de la stratégie d’une filière nucléaire française inquiète pour son avenir.

D’une certaine manière, François Hollande a entendu Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, qui lui demandait vendredi dernier, « au nom de la France », « d’arrêter les négociations avec les Verts sur le nucléaire » . Ainsi, le profil «  mou  » dont François Hollande est affublé par ses adversaires aurait semblé corroboré par un accord avec les écologistes. Contrairement au pas franchi par les socio-démocrates allemands du SPD en 2000, « l’acte de fermeté » du candidat français n’a pas consisté à rompre avec un dogme nucléaire battu en brèche un peu partout, mais à tenir tête aux écologistes.

EELV pourra se prévaloir de n’avoir pas transigé sur une question de principe fondamentale. Reste à tirer le bilan d’une ligne stratégique radicale qui faisait de la sortie du nucléaire un point « non négociable » de tout accord pour 2012. Le conseil fédéral d’EELV devra se prononcer samedi sur cet échec, quitte à ne pas entériner les quelques avancées que comporte par ailleurs le texte issu des négociations. Certains écologistes le définissaient déjà non plus comme un constat de «  désaccord  » mais comme un point de rupture avec le PS…

[^2]: Le chantier a pris quatre ans de retard, et son coût devrait atteindre 6 milliards d’euros, un doublement du devis initial.

Politique
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