Première victoire palestinienne
L’admission de la Palestine à l’Unesco souligne également la défaite morale d’un Barack Obama qui a renié tous ses engagements.
dans l’hebdo N° 1175 Acheter ce numéro
Le mot est de Saëb Erekat, le négociateur palestinien, il y a quelques jours : « On dirait que l’on veut adhérer à la mafia ou à Al-Qaïda, alors qu’on demande seulement à être membre de l’ONU et de l’Unesco. » On peut se demander en effet ce qui peut déclencher à ce point l’ire des États-Unis et d’Israël après la démarche de l’Autorité palestinienne auprès de l’Organisation des nations unies et de son agence culturelle.
Car il y a deux façons d’analyser le vote écrasant, survenu lundi, en faveur de l’admission de la Palestine à l’Unesco. Il s’agit d’abord d’un très important succès diplomatique pour l’Autorité palestinienne, dont la demande a recueilli 107 voix « pour », 14 « contre » et 52 abstentions. Mais la réaction américaine appelle aussi une analyse. En décidant immédiatement d’attaquer l’Unesco au portefeuille en cessant de verser une contribution annuelle qui représente 22 % du budget de l’agence, l’administration Obama met en évidence la permanence, la profondeur, mais aussi, d’une certaine façon, le caractère irrationnel des liens qui unissent les États-Unis à Israël.
Du point de vue palestinien, le succès ne se mesure pas seulement par le score obtenu, mais aussi par quelques bonnes surprises, au premier rang desquelles le vote positif de la France. L’Union européenne ayant, comme d’habitude, éclaté (l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède ont voté contre ; la Grèce et l’Espagne, notamment, ont voté pour, tandis que le Royaume-Uni et l’Italie s’abstenaient). Ce vote français est bon à prendre, même si la France a semblé voler au secours de la victoire. Et même, ce qui est plus fâcheux, si on soupçonne Paris d’avoir donné des gages aux Palestiniens pour mieux s’opposer à leur demande d’admission à l’ONU, où le veto américain est assuré.
Quoi qu’il en soit, ce succès affirme aussi la souveraineté palestinienne sur un certain nombre de sites de Jérusalem et de Cisjordanie convoités par Israël.
Côté américain, c’est une double défaite pour Barack Obama. Le tandem israélo-américain paraît plus isolé que jamais. Mais surtout, ce qui aurait semblé logique dans la politique de son prédécesseur, constitue un terrible revers moral pour un l’actuel Président, qui renie spectaculairement tous ses engagements.
L’homme qui s’était engagé à faire reconnaître un État palestinien semble aller diamétralement à l’opposé de ses convictions. C’est l’aveu de son extrême faiblesse politique. Celui qui avait stigmatisé l’unilatéralisme de George W. Bush procède de la façon la plus unilatérale qui soit, avec de très forts relents impérialistes dans la plus mauvaise tradition américaine. Le jeune Président qui s’était adressé aux musulmans du monde entier, au Caire, en juin 2009, pour ouvrir une ère nouvelle, n’est plus aujourd’hui qu’un lointain souvenir.
Quant au gouvernement israélien, il annonçait mardi soir le gel des fonds dus à l’Autorité palestinienne – ce qui s’apparente à de la piraterie internationale – et l’accélération de la colonisation à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Ce dernier point, présenté comme une mesure de rétorsion, était de toute façon dans les projets du gouvernement de Benyamin Netanyahou. C’est précisément parce que Mahmoud Abbas n’a pas obtenu le gel de la colonisation qu’il a lancé l’offensive diplomatique dont il recueille les premiers fruits aujourd’hui.
La prochaine étape de l’offensive palestinienne devrait intervenir avant la fin du mois de novembre avec la demande d’admission à l’ONU. Si un statut intermédiaire d’observateur, semblable à celui du Vatican, semble acquis pour la Palestine, la qualité d’État membre dépend des membres permanents du conseil de sécurité. Le veto américain pourrait aggraver la crise sur ce dossier, entraînant, selon les hypothèses les plus pessimistes, une démission de Mahmoud Abbas, et la dissolution de l’Autorité palestinienne qu’il préside. Ce qui créerait une situation à la sud-africaine, version apartheid. Ce spectre catastrophiste semble surtout pour l’instant agité par les pays, dont la France, qui tentent de persuader Mahmoud Abbas de renoncer à sa demande.