Une facture très inégalitaire
L’addition présentée par le gouvernement en 2012 révèle que les deux plans Fillon creusent les inégalités et démantèlent la solidarité. Et que la Commission européenne en redemande.
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Le compte n’y est pas ! C’est en ces termes que la Commission européenne a flingué, trois jours après la présentation d’un deuxième plan de rigueur par François Fillon, l’engagement de la France de ramener le déficit public français à 3 % du PIB en 2013.
En exhortant Paris « à annoncer le plus vite possible » de nouvelles mesures et à durcir la rigueur afin d’atteindre ses objectifs de désendettement, Olli Rehn, commissaire finlandais aux Affaires économiques, souligne en quelque sorte l’insincérité des budgets français. Avec un aveu implicite de taille : l’accumulation des plans d’austérité du 24 août et du 7 novembre est sans doute pour beaucoup dans la chute annoncée de la croissance en France…
« Nous pourrions connaître une nouvelle phase de récession » , a admis le commissaire européen, demandant un tour de vis supplémentaire aux mesures découlant des plans Fillon. Si l’on en croit la Commission de Bruxelles, l’annonce d’un troisième plan de rigueur dès 2012 ne devrait être qu’une question de temps et une course contre la montre pour préserver le triple A des marchés financiers.
À ce petit jeu de la surenchère, l’essentiel des mesures d’austérité poursuivent des « réformes » réduisant les dépenses sociales et livrant de nouveaux pans de la solidarité au marché. Le Medef ne s’y est pas trompé et a salué cette « accélération des réformes structurelles » , citant en premier lieu celle des retraites : adoptée en 2010 et entrée en vigueur en juillet, la voilà déjà modifiée par François Fillon. En portant l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans en 2017, au lieu de 2018, le gouvernement prélèvera 1,3 milliard d’euros sur les retraites d’ici à 2016.
Avec les économies supplémentaires sur l’État et l’assurance-maladie, c’est la mesure qui aura l’impact le plus régressif sur la solidarité nationale. Car, sans le crier sur les toits, le gouvernement avancera aussi d’un an le recul progressif à 67 ans de l’âge de départ permettant de toucher une retraite à taux plein. Cette mesure s’appliquera en 2022, au lieu de 2023, et elle figurera dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif pour 2012 qui sera présenté en Conseil des ministres le 23 novembre.
De nouvelles ponctions sont aussi programmées sur la Sécurité sociale (700 millions d’euros en 2012), à ajouter à l’augmentation de la taxe sur les complémentaires santé (2,2 milliards en 2012), qui pèsera lourdement sur les ménages modestes.
Au total, la part des dépenses publiques dans le PIB devrait baisser de 3 points, prévoit Bercy : elles seront réduites de 13,1 milliards d’euros rien qu’en 2012 et de pas moins de 73,6 milliards d’ici à 2016, si l’on tient compte des réductions des niches fiscales et sociales, qui ne seront effectives qu’à partir de… 2013.
Au rayon recettes fiscales, le plan Fillon du 7 novembre a la main plus lourde que le ministre ne le dit : plus de 80 % des hausses d’impôts annoncées pèseront sur les ménages dès 2012, et pas seulement les plus aisés, comme l’a affirmé François Fillon. La plus importante hausse étant le gel en 2012 et 2013 du barème de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur la fortune (ISF) ainsi que des donations et successions. L’ensemble devrait rapporter 1,7 milliard en 2012 et se traduira « par une hausse de l’impôt sur le revenu de l’ensemble des contribuables imposables, soit environ 19 millions de foyers fiscaux » , a calculé l’union Snui-SUD Trésor, principal syndicat des impôts. De nombreux contribuables non imposables se retrouveront ainsi soumis au paiement de l’impôt sur le revenu, tandis qu’en matière d’ISF, les effets des plans Fillon seront mineurs pour les revenus les plus élevés. Or, le taux moyen d’imposition des plus riches reste faible en France (entre 15 et 20 % pour le 1 % de la population la plus aisée), par rapport à de nombreux pays européens.
Autre recette en trompe-l’œil, la hausse de la TVA à taux réduit qui sera portée de 5,5 à 7 % et devrait générer 1,8 milliard en 2012 (9 milliards d’ici à 2016). Cette hausse « pénalisera beaucoup plus les consommateurs modestes déjà gravement touchés par l’inflation des prix et qui consacrent à l’achat des produits à TVA réduite jusqu’à 26 % de leurs revenus » , a expliqué l’association de consommateurs UFC-Que Choisir.
Pour faire bonne mesure, l’impôt sur les sociétés (IS) sera majoré de 5 % pour les grandes entreprises et le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et les intérêts passe de 19 % à 24 %. L’ensemble devrait rapporter 1,7 milliard, selon Bercy, et ne pas mettre fin aux optimisations massives de l’IS opérées par les entreprises du CAC 40.
Au total, « l’effort de redressement » sera de 51,3 milliards, « en tenant compte des mesures prises depuis 2007 » , précise le gouvernement, c’est-à-dire en intégrant la suppression d’un poste de fonctionnaire sur deux et une révision générale des politiques publiques (RGPP) qui privatise des services publics essentiels. Un chiffre qui sera probablement corrigé dès l’année prochaine, avec le risque d’accroître encore les inégalités.