Claude Guéant persécute les demandeurs d’asile
Le ministre
a annoncé des mesures qui précarisent
les migrants, qu’il traite en fraudeurs.
dans l’hebdo N° 1180 Acheter ce numéro
Au moins, le sujet divise à droite. « Ne mélangeons pas tous les immigrés, ne faisons pas des immigrés des adversaires globaux. L’immigré qui respecte la règle, c’est un ami de la République, un ami de la France » , a déclaré Jean-Pierre Raffarin en réponse au programme de réduction de l’immigration légale développé par Claude Guéant. Le sénateur poursuit dans la veine « immigration choisie » défendue depuis 2007, tandis que le ministre de l’Immigration se dirige vers une restriction globale de l’immigration, légale incluse.
Claude Guéant entend réduire les demandes de titres de séjour de 10 %, regroupement familial et étudiants étrangers en tête. Il avait déjà déclaré, le 25 novembre, que l’asile était menacé par de« faux » demandeurs. Pour des raisons budgétaires, il veut restreindre encore l’accès à ce droit. Il a lui-même fait le rapprochement avec la fraude sociale en proposant de croiser le fichier de la Sécurité sociale et celui des demandes d’asile. Selon lui, le droit d’asile est « détourné à des fins d’immigration économique » : des étrangers en profiteraient « pour pénétrer et se maintenir dans notre pays » .
L’argument économique n’est pas neuf, mais il choque à plus d’un titre. Il nie les engagements signés par la France dans la Convention de Genève, rappelle l’Association Primo-Levi, qui soutient les victimes de torture et de violence politique. Il néglige les parcours de personnes qui n’ont pas eu d’autres choix que de fuir leur pays. Il oublie que, sur 50 000 à 60 000 demandes d’asile en France par an, les trois quarts sont rejetées. Enfin, il fait l’impasse sur les conditions de survie des demandeurs d’asile pendant l’examen de leur dossier. Ou plutôt, il cherche à les précariser davantage.
Pour preuve, une des mesures annoncées consiste à modifier – pour la deuxième fois en un an – la liste des « pays d’origine sûrs ». L’appellation faisait déjà polémique, mais le ministre entend ajouter l’Arménie, le Bangladesh, la Moldavie et le Monténégro, estimant que les ressortissants de ces pays – 27 % des demandes cette année – abusent du droit d’asile. Le Bangladesh serait la première nationalité à demander l’asile en France avec 2 966 adultes primo-arrivants en octobre 2011, devant la République démocratique du Congo et l’Arménie. Pendant l’examen de leur demande, les ressortissants des pays figurant sur cette liste sont privés d’un titre de séjour provisoire ; ils perdent leur droit à un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et l’accès aux structures d’accueil.
Autre mesure : le budget de l’asile – 523 millions en 2011 – est réduit, ce qui va faire baisser le nombre de places d’accueil, d’hébergement d’urgence et d’allocations, et contraindre fortement la CNDA. Le 29 novembre, les avocats de cette cour se sont mis en grève pour dénoncer « la politique du chiffre » . Ils protestent notamment contre « le traitement de l’ordonnance » , qui permet de rejeter un recours sans convoquer le demandeur et son avocat.
En outre, les avocats qui interviennent dans le cadre de l’aide juridictionnelle sont convoqués à la dernière minute. Tout est organisé pour maximiser le rejet des demandes. Avocat de la CNDA, Me Didier Liger s’est insurgé (dans le Nouvel Observateur ) : « On les traite comme des chiens ! »