CSA : Qui parle pour qui ?

Présidentielle Christine Kelly, du groupe de travail pluralisme et campagnes électorales au CSA, nous explique les règles du temps de parole pour la présidentielle.

Jean-Claude Renard  • 22 décembre 2011 abonné·es

C’est bientôt parti pour les comptes d’apothicaire. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a publié au Journal officiel les règles du temps de parole à la radio et à la télévision que doivent respecter les candidats à la présidentielle et leurs soutiens.

Tandis qu’en dehors de la période des élections seul le temps de parole des membres d’un parti est décompté, à partir du 1er janvier, « le temps de parole de tout le monde peut être décompté, dès lors qu’il appelle à soutenir tel ou tel candidat » . Ce sera ainsi le cas pour n’importe quel inconnu saisi au hasard d’un ­micro-trottoir. Le temps d’antenne sera également décompté à partir du 1er janvier : docus, éditoriaux, commentaires politiques, analyses, présentations de sondages d’opinion seront pris en compte dès lors qu’ils concernent un candidat et qu’ils lui sont « manifestement favorables » .

Le CSA a défini trois étapes successives : la première, du 1er janvier au 19 mars, garantit « le principe d’équité » aux candidats ; la deuxième, du 20 mars au 8 avril, au moment de la publication par le Conseil constitutionnel de la liste officielle des candidats ; et la troisième, à partir du 9 avril, à l’ouverture de la campagne électorale officielle. Elles garantissent « l’égalité » des temps de parole pour tous (jusqu’au vendredi précédant le second tour). Ces règles concernent toutes les chaînes de France Télévisions, TF1, M6, Canal + pour ses programmes en clair, BFM TV, i-Télé, LCI, Direct 8, NT1, TMC, Radio France (Inter, France Infos, France Culture, France Musique et France Bleu), RTL, Europe 1, RMC, BFM Business, Radio Classique et Sud Radio.

Face au nombre de supports, comment parvient-on à un décompte à la seconde près ?

Christine Kelly : Nous avons au CSA une équipe d’observateurs, des étudiants en droit et en sciences politiques, qui regardent toutes les grandes chaînes et écoutent toutes les grandes radios a posteriori. Il est alors facile d’établir un comparatif avec les temps que nous font parvenir les télévisions et les radios. On ne peut pas jouer avec le pluralisme, on fait donc le maximum pour être irréprochables.

Pourquoi des stations comme Le Mouv’, qui appartient au groupe Radio France, ne sont-elles pas touchées ?

On observe principalement les chaînes de télévision et de radio qui invitent régulièrement des ­politiques et font le plus d’audience, soit environ 98 %. Pour les autres radios, comme Le Mouv’, ce sont elles qui doivent établir leurs relevés et nous les transmettre. Le CSA peut demander à tout moment à une chaîne locale ou à une radio de lui fournir ses temps de parole.

À partir de quel moment une opinion « semble favorable », notamment dans une chronique ou un édito ?

Si un éditorialiste déclare qu’un candidat a les compétences pour être élu ou mérite de gagner l’élection présidentielle plutôt qu’un autre, il favorise ce candidat ; dans ce cas, le principe de pluralisme n’est plus respecté ! Ça peut paraître compliqué à repérer a priori, mais, en réalité, cela se voit très vite.

Que va-t-il se passer pour Alain Duhamel, qui s’était déjà prononcé pour François Bayrou en 2007 ?

Pour lui, comme pour les autres, les compteurs repartent à zéro. À partir du 1er janvier, toute personne est susceptible d’entrer dans le décompte si elle se manifeste publiquement pour tel candidat. Mais décompter ne veut pas dire ficher. Il s’agit seulement d’instaurer une règle d’équilibre.

Qu’en sera-t-il pour les humoristes, les imitateurs, les Guignols ?

Ils ne sont pas décomptés parce qu’ils sont placés sous le parapluie de l’humour. Mais ils sont tenus à un minimum de réserve. Si un humoriste fait un appel à voter ­clairement en faveur d’un candidat, ce temps sera décompté.

Envisagez-vous d’imposer une égalité de temps de parole sur Internet ?

Le CSA régule la télévision et la radio, comme la loi le lui demande, mais n’intervient ni sur la presse écrite ni sur Internet, excepté les services de multimédias à la demande. Mais avec la puissance croissante d’Internet, la question devra être posée au niveau législatif. Trop de règles tuent les règles, mais quand il n’y en a pas, l’homme politique comme le citoyen nous interpellent.

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