La panade bancaire

Chute en bourse, dégradation de leur note, suppressions d’emplois… Les banques françaises sont au bord du gouffre.

Thierry Brun  • 22 décembre 2011 abonné·es

Les mauvaises nouvelles s’accumulent sur le secteur bancaire français. Alors que l’importante chute des valeurs boursières des quatre mastodontes de la finance[^2] se poursuit depuis le mois d’août, les annonces de suppressions d’emplois se sont multipliées.

Après BNP Paribas et la Société générale (SocGen), le groupe Crédit agricole a présenté le 14 décembre un plan de suppression de 2 350 postes, dont 850 en France, principalement dans sa banque d’investissement. De leur côté, la SocGen et BNP Paribas devraient supprimer respectivement plus de 1 000 et 1 400 postes dans les prochains mois.

La même semaine, les agences de notation ont dégradé les banques françaises. Déjà, le 30 novembre, Standard & Poor’s avait donné le ton en réduisant la note de 15 groupes bancaires européens et américains, dont BNP Paribas et la SocGen, notamment parce que des doutes persistent sur la solidité de ces établissements bancaires. Les besoins en fonds propres des quatre grandes banques françaises s’élèvent à plus de 7 milliards d’euros, a relevé l’Autorité de contrôle prudentiel. Surtout, les investisseurs étrangers ont retiré massivement leurs dépôts à court terme : près de 100 milliards ont été perdus en septembre, si l’on en croit les données de la Banque de France. Cette fuite des investisseurs n’a pour la première fois pas été compensée par d’autres entrées, souligne le quotidien les Échos (du 1er décembre).

Les banques françaises sont « très bien capitalisées » , a cependant affirmé récemment Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, accusant les agences de notation d’être « incompréhensibles et irrationnelles » . Certes, BNP Paribas, le Crédit agricole et la SocGen ont en commun de continuer de grossir par des acquisitions et des fusions. Mais aussi de poursuivre des dérives financières qui n’apparaissent pas dans leur bilan. Les opérations spéculatives liées aux produits financiers dérivés sont en effet logées dans ce que l’on nomme le « hors-bilan » des groupes bancaires français.

Les montants en sont colossaux : le risque d’exposition résultant des engagements hors-bilan dépasse le PIB de la France (qui est de 1 933 milliards d’euros en 2010). En fait, BNP Paribas, BPCE, le Crédit agricole et la SocGen font partie des 29 grandes banques à dimension « systémique » (sur 46 000 dans le monde) recensées en novembre par le Conseil de stabilité financière. En clair, leur puissance est telle que la chute de l’une d’entre elles, à l’instar de Lehman Brothers en 2008, peut causer une nouvelle crise financière.

On comprend mieux pourquoi les agences de notation évoquent dans leurs analyses une probabilité de plus en plus élevée d’un recours à un nouveau soutien de l’État au secteur bancaire. Mais le gouvernement, empêtré dans ses plans d’austérité, en a-t-il les moyens ?

BNP Paribas, cinquième banque mondiale, dont le bilan s’élevait au 30 juin à 1 926 milliards d’euros, a accumulé plus de 577 milliards d’euros dans son hors-bilan en 2010. Qu’y trouve-t-on ? Notamment les fameux Credit default swaps (CDS), produits dérivés potentiellement dangereux destinés à se protéger contre le risque de crédit d’une grande entreprise ou d’un État comme la Grèce. Ces produits hautement spéculatifs ont été pour la plupart conclus de gré à gré, dans une opacité totale. Face à de tels risques pris par les banques, la ligne politique est pour l’instant… de ­laisser faire.

[^2]: Banque populaire-Caisses d’épargne (BPCE), BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale.

Économie
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