Les défis de Moncef Marzouki
Comme un symbole, un an tout juste après le début du soulèvement qui a chassé Ben Ali, le pays s’est donné un nouveau président.
dans l’hebdo N° 1181 Acheter ce numéro
Il se dit habitué aux geôles et aux bureaux des juges d’instruction, ou aux bistrots de Créteil, où il a longtemps vécu en exil, plus qu’aux ors des palais. C’est pourtant lui, Moncef Marzouki, qui a été élu dimanche président de la République tunisienne. Il est désormais le locataire du palais présidentiel de Carthage.
Le leader du Congrès de la République (gauche) doit son élection à la coalition formée avec les islamistes d’Ennahda, larges vainqueurs des législatives. Une coalition qu’il a consentie naturellement car Moncef Marzouki est convaincu de l’émergence d’un islamisme démocratique et modéré. Il réfute avec force les amalgames faits par certains intellectuels occidentaux.
M. Marzouki a été élu cinq jours avant le premier anniversaire du début du soulèvement tunisien. Le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid, dans le centre du pays, un incident survenu entre un jeune vendeur ambulant et une policière a provoqué le début de la révolution qui allait entraîner la chute du dictateur Ben Ali un mois plus tard.
Ce jour-là, Fayda Hamdi oblige Mohamed Bouazizi, 26 ans, à fermer son étal et lui confisque sa marchandise. Deux heures plus tard, le jeune homme s’immole par le feu. Le drame prend immédiatement une ampleur considérable dans cette ville de cent mille habitants accablée par un chômage massif et une très grande pauvreté.
Le sort du jeune homme diplômé, contraint de vendre à la sauvette, et humilié par une policière érigée en symbole d’un pouvoir capable de tous les arbitraires, a servi de détonateur au soulèvement dans tout le pays. Un an après la mort de Mohamed Bouazizi, la policière a repris son travail, dans la même ville, après avoir purgé une peine de prison.
L’avenir de la Tunisie est en partie entre les mains de Moncef Marzouki, un neurologue de 66 ans, et des dirigeants islamistes d’Ennahda. Leur première tâche est d’élaborer un nouveau projet de constitution avec l’Assemblée élue le 23 octobre dernier. Tout autant, et dans l’urgence, le nouveau pouvoir devra donner à la population des signes concrets de changement social et d’effacement de l’ancien personnel de l’époque Ben Ali, y compris dans les responsabilités locales et au sein du pouvoir économique. Un rude défi.