« On subit les décisions de l’Élysée »

Les salariés de RFI ont mené une semaine de grève afin de refuser un projet de fusion avec France 24 décidé par la direction de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF). Explications de Catherine Rolland, déléguée du SNJ-CGT.

Jean-Claude Renard  • 8 décembre 2011 abonné·es

L’Audiovisuel extérieur de la France (AEF), c’est comme la Samaritaine. Il se passe toujours quelque chose. Rappelons-le : AEF (qui, depuis le 1er janvier 2010, ne relève plus du ministère des Affaires étrangères mais du ministère de la Culture et de la Communication) regroupe RFI, France 24, TV 5 monde et Monte Carlo Doualiya, filiale de Radio France Internationale pour les émissions de langue arabe. Lundi 28 novembre, il était difficile d’avoir une information sur RFI : la musique tournait en boucle. Les salariés entamaient leur premier jour de grève, opposés à un projet de fusion entre RFI et France 24. Une fusion qui verrait le regroupement des deux rédactions et le déménagement de la première (installée dans les murs de Radio France) chez la seconde, à Issy-les-Moulineaux.

D’une reconduction à l’autre, la grève aura duré toute la semaine. Non sans suites. Les explications de Catherine Rolland, journaliste, déléguée SNJ-CGT de RFI et d’AEF.

Politis : Quelles sont les raisons de cette fusion, quels en sont les enjeux ?

Catherine Rolland : Pour la direction, les rédactions devraient fusionner pour être plus fortes tout en réalisant une économie de moyens. Officiellement, il s’agit de faciliter les synergies, de faire partir un seul envoyé spécial et non plusieurs journalistes, par exemple. Mais l’enjeu porte aussi sur les emplois : RFI a déjà connu un plan social avec 201 départs ; à l’occasion de cette fusion, un nouveau plan est prévu, avec 126 départs.

Est-ce un hasard du calendrier si cette fusion intervient à cinq mois de la présidentielle ?

Il n’y a pas de hasard dans cette accélération du processus. Les comités d’entreprise et les conseils d’administration ont été menés au pas de charge. La direction d’AEF craint de voir le processus gelé par la prochaine campagne électorale et plus encore de voir un changement de majorité en mai, d’autant que le Parti socialiste a apporté son soutien aux salariés de RFI et remis en cause ce projet de fusion. Même le rapport de l’Inspection générale des finances, sans remettre en cause la fusion, a pointé nombre de dysfonctionnements, estimant notamment qu’il y aura un surcoût de 500 000 euros par an, alors que cette fusion est prétendument faite pour réaliser des économies !

Quel est le point de vue des salariés de France 24 ?

Eux ont tout à gagner car ils ont un socle social catastrophique. Il existe là-bas un turnover très important, pas de culture syndicale et des conditions de travail dégradées. Les salariés sont jeunes et non spécialisés. France 24 a été conçue avec des journalistes polyvalents. Ils n’ont pas l’expérience de RFI, ni les conventions collectives de l’audiovisuel public mais celles des chaînes thématiques. Cela dit, cela n’a pas empêché la rédaction de voter une motion de défiance à l’égard d’Alain de Pouzilhac, président d’AEF.

Les salariés commencent à s’interroger sur cette fusion. Que sera-t-elle et pour quelle raison ? De notre côté, nous espérons que ce projet sera suspendu, et que nous pourrons rediscuter de ses modalités et des stratégies [^2].

Quelles peuvent être les suites du mouvement ? N’est-ce pas trop tard ?

Cette fusion avait été évoquée il y a trois ans, sans que les détails aient vraiment été communiqués. Aujourd’hui, la direction d’AEF suit les décisions de l’Élysée, tout en reconnaissant qu’il est difficile d’orchestrer une fusion contre les salariés. Le 2 décembre, le conseil d’administration d’AEF a voté la fusion juridique ; cette semaine, toujours au pas de charge, les discussions porteront sur la fusion opérationnelle, c’est-à-dire comment on va travailler ensemble et suivant quels services. Tout cela sans débats avec le personnel, alors que cette fusion peut avoir un impact énorme sur la vie des salariés.

Quatre actions en justice ont déjà été menées par les syndicats, et c’est à l’occasion des audiences au tribunal de grande instance de Paris que cette semaine de grève a été décidée. Il était symbolique d’entamer une grève à ce moment, et de donner la possibilité aux salariés d’assister aux audiences. Le tribunal rendra son jugement le 16 janvier. Sous la pression du juge, la direction s’est engagée à ne pas finaliser la fusion avant cette date. Sans quoi, elle prend le risque de devoir tout détricoter.
Propos recueillis par
Jean-Claude Renard

[^2]: Le 5 novembre, 94,42 % du personnel de RFI s’est prononcé contre la fusion lors d’ un référendum interne.

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