Pipeau « made in France »
Le « produire français » de Nicolas Sarkozy n’a aucun fondement réaliste.
dans l’hebdo N° 1182-1183 Acheter ce numéro
C’est devenu en quelques semaines l’un des slogans les plus en vogue dans la campagne présidentielle. En déplacement en Haute-Savoie, Nicolas Sarkozy a défendu le « produire en France » plutôt que « l’acheter français » , et a voulu ainsi se démarquer des candidats déclarés à la présidentielle.
Le « produire français » fait donc son grand retour en politique, et le chef de l’État n’a pas ménagé ses efforts pour en promouvoir le nouveau label, « origine France garantie » , qui veut inciter les consommateurs à préférer le « made in France » pour tenter de relancer la réindustrialisation.
Dans les années 1980, aborder le « produire français » était considéré comme un faux débat teinté de repli sur soi puisque, disait-on, l’avenir industriel de la France reposait sur les activités à forte valeur ajoutée et sur l’exaltation des activités de services, nouvel eldorado économique, avec la promesse d’une croissance qui réglerait tous les problèmes. Les entreprises ont alors délocalisé massivement, les déséquilibres commerciaux ont atteint des niveaux insoutenables, creusant les inégalités et accentuant les crises alimentaire, climatique et financière.
Sur ce terrain de la libéralisation économique, Nicolas Sarkozy a essuyé son plus gros échec. Les nouveaux indicateurs du « made in France » , inaugurés en 2010 par l’ex-ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, ont révélé un déclin édifiant : l’industrie ne représente plus en France qu’environ 13 % de la création de richesses contre 18 % il y a dix ans. L’an dernier, 72 000 emplois industriels ont été supprimés. En tout, 600 000 ont été détruits en dix ans.
Cette tendance ne devrait pas s’interrompre, car, à quelques encablures de la Haute-Savoie, pendant que Nicolas Sarkozy prononçait son discours sur le « produire en France » , l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se préparait à ouvrir sa huitième conférence ministérielle sur la libéralisation du commerce international.
L’OMC est le moteur de cette politique de délocalisation et de concurrence à tous crins. Le mouvement syndical international a lancé une mise en garde « quant au risque de voir la libéralisation du commerce accentuer la crise et les difficultés sociales » .
À l’OMC, le thème du « made in France » avait plutôt l’air d’un coup de com’ présidentiel sans conséquence.